06 novembre 2022
Nous sommes entrés dans l’ère des catastrophes résultant du nouveau régime climatique et le rituel immuable de l’impuissance des Conférence des parties à la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) risque de connaître un nouvel épisode.
La COP 27 débute ce dimanche 6 novembre à Charm El-Cheikh, dans l’Egypte du régime dictatorial d’Al-Sissi qui bafoue les droits humains, à l’abri des regards de la société civile et alors que des « arrestations préventives » visent des dissidences politiques dans ce pays où 60 000 personnes seraient prisonnières d’opinion. Comme d’habitude, cette COP va commencer par la grande messe des discours « bla-bla-bla » des chefs d’État. Comme habitude, l’accent est mis sur la solidarité Nord-Sud et la nécessité de concrétiser l’accord « historique » de Paris, selon des éléments de langage bien rodés !
Résumons les épisodes précédents : L’accord de Paris vise à contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C » et si possible à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, mais on est déjà à +1,1°C. L’édition 2022 du « Emissions Gap Report » du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) met clairement en évidence deux faits :
- Si pour la photo souvenir de la COP26, à Glasgow l’année dernière, 200 pays signataires de l’accord de Paris étaient appelés à renforcer leurs lettres d’engagement détaillant leurs plans de réduction des émissions, seuls 24 pays l’ont fait en septembre 2022. Et ce, en visant une réduction des émissions d’au mieux un point de pourcentage supplémentaire, selon les calculs du PNUE, ce qui est dérisoire.
- Les politiques de réductions des émissions de gaz à effet de serre actuellement proposées par les États sont dans l’impasse, et ne permettent pas de tenir leurs propres engagements. Elles conduisent vers un réchauffement de 2,8 °C.
Disons-le clairement, même si son respect reste un mot d’ordre car c’est le seul cadre de référence multilatéral existant, l’accord de Paris va vers sa mort. La COP27 ne peut pas, de fait, concrétiser l’accord de Paris. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, juge le monde « pitoyablement pas à la hauteur ».
Y-aura-t-il en Egypte un électrochoc des névrosés de la croissance et du productivisme ? Est-ce que les destructeurs du vivant et de la planète, dopés aux énergies fossiles, prendront le tournant du « sevrage » ? Sortiront-ils du greenwashing macroéconomique ? On peut en douter. Ni les impacts physiques du réchauffement climatique qui tournent chaque jour davantage à la tragédie aux quatre coins du globe, ni le contexte géopolitique, avec le choc énergétique, l’inflation et la guerre en Ukraine, ne semblent ébranler leur vision du monde. Comme la pandémie de la Covid, ce contexte sert au contraire de prétexte pour reléguer au second plan l’urgence climatique.
Tout est portant limpide dans les derniers rapports du GIEC. Son dernier rapport de 2021, enterre l’hypothèse légendaire de la croissance verte pour préserver l’équilibre du climat : « le découplage absolu n’est pas suffisant pour éviter de consommer le budget d’émissions de CO2 restant dans le cadre de la limite de réchauffement planétaire de 1,5°C ou 2°C et éviter un effondrement climatique. Même si tous les pays découplent en termes absolus, cela pourrait encore ne pas être suffisant. ». Plus loin encore, le GIEC mentionne ouvertement la décroissance dans les chemins à prendre : « La décroissance va au-delà de la critique de la croissance économique. Elle explore l’intersection entre la soutenabilité environnementale, la justice sociale et le bien-être ».
Aussi, la seule vraie bonne décision que devrait prendre une COP27 digne de ce nom est de remettre à plat le texte fondateur des COP, à savoir la Convention cadre des nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) de 1992. Car l’obsession pour la croissance, qui condamne l’inaction climatique au nom de l’impératif économique, est inscrite comme règle intangible à l’article 3 alinéa 5 de ce texte fondateur : » Il appartient aux Parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables de toutes les Parties, en particulier des pays en développement Parties, pour leur permettre de mieux s’attaquer aux problèmes posés par les changements climatiques. Il convient d’éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce « . Si les COP étaient fondées sur le rapport du GIEC, cette disposition serait abrogée illico presto. Et l’on verrait nos chers dirigeants se prononcer avec élan et détermination pour le boycott de la Coupe du monde de foot au Qatar, pour l’abandon des jeux olympiques d’hiver dans le désert d’Arabie Saoudite, pour l’arrêt de toutes les bombes climatiques comme le projet de Total en Ouganda et tant d’autres…
Quelle utopie dans le monde dystopique que nous vivons ! Les effondrements ont commencé. Mais, technosolutionistes, croissantvertistes préfèrent « flotter sans grâce », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Corinne Morel Darleux, entretenant leurs croyances religieuses dans le mythe de la croissance. Déni de réalité, sevrage impossible, le conciliabule des COP s’avère stérile, puisqu’il s’auto-condamne au productivisme.
La COP27 ne sera donc pas le grand soir. Et nous n’en attendons qu’une seule chose : quelle soit l’occasion d’une remobilisation de grande ampleur du mouvement international de la jeunesse et de la société civile pour le climat. Dans ce cadre, Génération Écologie soutient l’appel au rassemblement mondial pour le climat organisé par la « coalition COP27 » et le Réseau Action Climat en France le 12 novembre prochain.
Sur le plan politique, il est indispensable que toutes les forces agissantes pour la décroissance se coordonnent à l’échelle internationale pour proposer une alternative, changer les règles du jeu multilatéral qui sont viciées, et faire inscrire le respect des limites planétaires comme objectif central pour préserver une planète Terre habitable et vivable !
Abel Cuvidad