15 septembre 2023
Les dernières nouvelles du changement climatique et de ses impacts sont en tout point brûlantes, mais elles ont sans doute pour conséquence de permettre quelques précisions importantes en matière de vocabulaire et de qualification scientifique.
C’est tout d’abord l’étude parue ce mercredi 23 août dans la revue Nature, qui nous informe que certaines espèces végétales présentes dans les forêts tropicales ne seront tout simplement plus capables de réaliser la photosynthèse en raison du changement climatique ! Les températures moyennes de ces zones géographiques ont en effet atteint un seuil critique qui les empêcheront de poursuivre le « service gratuit réalisé par la nature » qu’elle rendait jusque-là à tous les Terriens, à savoir le séquestrage du carbone. Ces forêts tropicales sont pourtant responsables aujourd’hui de l’absorption d’un quart du CO2 émis sur la planète. Cette nouvelle terrifiante est annonciatrice de nouveaux risques éco-systémiques majeurs, dont l’ampleur est, à ce stade, encore difficile à évaluer.
Quelques jours plus tard, dans un communiqué publié le 6 septembre, l’Organisation météorologique mondiale précisait que la Terre venait de connaître les trois mois les plus chauds jamais enregistrés à sa surface, entraînant le propos très commenté d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU : « Climate breakdown has begun » (l’effondrement climatique a commencé). Puis, ce fut au tour du responsable des droits de l’Homme de l’ONU de déclarer que « le futur dystopique est déjà là », alertant sur le fait que ces derniers mois, « des avertissements urgents sont devenus des réalités mortelles ».
Dans un autre champ disciplinaire, l’économie, une étude sur le climat et la croissance menée par des chercheurs anglais et espagnols, publiée dans la revue Lancet Planetary Health le 4 septembre, démontrait l’incompatibilité entre climat et croissance. Leurs calculs pour onze pays concernés les amènent à la conclusion qu’en partant des taux de découplage actuel, il faudrait 223 ans pour que les pays à haut revenu diminuent leurs émissions de CO2 de 95 %, alors que l’objectif de neutralité carbone est pour 2050… Etant donné les prélèvements en matières premières, les consommations d’espace et de biodiversité, et l’ensemble des impacts générés par la « croissance verte », cette dernière est infondée et ne représente qu’un dangereux mirage au service du business « almost as usual ».
Les faits sont donc têtus, et il faut saluer le travail de la communauté scientifique internationale, toutes disciplines confondues, qui poursuit inlassablement sa mission, en fournissant des bases objectives à la réflexion sur ces thématiques écologiques de premier ordre, très évolutives, tant l’accélération des impacts s’avère incontournable.
Pendant ce temps-là, les entrepreneurs réunis à l’hippodrome de Longchamp pour le rassemblement annuel du MEDEF semblaient n’accorder aucun intérêt au sujet du réchauffement climatique, faisant dire à Jean Jouzel, climatologue directeur de recherche émérite au CEA et vice-président du GIEC, qu’il avait été sur place témoin d’un « dialogue de sourds », sans aucune considération pour les enjeux de la surconsommation. Il ajoutait dans un article pour compléter et clarifier son propos : « Si le capitalisme actuel n’est pas réformé, je crains que nous ne réussissions pas à prendre la maîtrise du réchauffement climatique ». Jean-Marc Jancovici, présent également, renchérissait de son côté en déclarant : « La décroissance ne fait pas plaisir, mais elle est désormais inexorable ». Le constat est sans appel.
Quant à Emmanuel Macron, il réunissait fin août les représentants des chefs de partis sans quasiment prononcer le mot « écologie », et signait quelques jours plus tard un pacte pour une croissance durable avec le gouvernement néerlandais…
De là à penser qu’un nouveau découplage s’opère entre un certain monde politique et économique – celui d’hier mais qui gouverne et domine encore aujourd’hui – et le monde scientifique, il n’y a qu’un pas que nous pouvons visiblement nous autoriser à franchir ! La décroissance est la seule voie tenable, le seul cap susceptible de freiner l’effondrement en cours. Au moins, la piste est désormais scientifiquement ouverte et Génération Ecologie est fière de l’avoir mise, en pionnière, à l’agenda politique.
Anne-Laure Bedu
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