28 janvier 2025
Repenser les modèles économiques à l’aune des limites planétaires et des crises environnementales, Même les chambres de commerce en parlent !
C’est avec un grand intérêt que Génération Écologie a pris connaissance de l’étude prospective “La sobriété par la décroissance volumique”, publiée ce mois de janvier par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) sous la plume de Corinne Vadcar, analyste senior au département Prospective de la CCIP.
Ce document de 34 pages court et accessible aborde, sans a priori et de façon détaillée, la question des changements de modèles d’affaires de certaines “entreprises pionnières” françaises et européennes dans un monde de plus en plus contraint et instable. L’étude se base également sur une abondante littérature économique et sociologique pour aborder de nombreux points.
Clarifier la notion de sobriété
Trop souvent utilisée pour justifier des actions s’apparentant à du greenwashing, l’étude précise que la notion de sobriété est souvent entendue par les acteurs économiques et politiques comme étant de la seule responsabilité des consommateurs.
C’est pourquoi l’autrice, tout en proposant une conception de la sobriété comme “un chemin du trop vers le suffisant”, appelle à poursuivre sans relâche le travail de clarification et d’explication de ce qu’est une véritable démarche de sobriété dans toutes ses dimensions, à la fois en décroissance de la consommation et de la production : modération de la demande, modération de l’offre, sobriété des moyens et des intrants, sobriété des produits finis…
Décroissance volumique de la demande… et de l’offre
L’étude de la CCI souligne en effet que la décroissance des volumes échangés, condition nécessaire de la sobriété pour respecter les limites planétaires et préserver les ressources naturelles, ne saurait concerner uniquement la réduction de la demande volumique.
Certes, de rares modèles d’affaires encourageant à moins consommer se développent : publicités incitant à la modération, location remplaçant l’achat, modularité et réparabilité des produits…
Mais l’autrice insiste aussi sur la nécessaire réduction de la production volumique, en citant nombre d’entreprises ayant volontairement œuvré en ce sens : réduction et “détemporalisation” des gammes et catalogues, limitation volontaire de leur clientèle, systèmes de production à la demande. Des initiatives présentes dans de nombreux secteurs (habillement, édition, industrie, bureautique, agro-alimentaire, automobile) et qui n’entachent pas nécessairement la rentabilité des entreprises.
Sans naïveté face à la possibilité de généralisation immédiate des modèles d’affaires visant la sobriété ou la décroissance, l’étude la CCI dégage quelques grands axes communs aux exemples qu’elle décrit :
- Approche relationnelle et non transactionnelle avec les clients pour les inciter à moins consommer.
- Démocratisation, décentralisation et co-construction de la relation producteur-consommateur, avec le développement des reventes de consommateur à consommateur , le codesign…
Pour une approche systémique de la décroissance
Enfin, au-delà de la lumière portée sur des entreprises “pionnières de la décroissance” en France et en Europe, l’étude a le grand mérite de raisonner de façon systémique, de convoquer les limites à la décroissance volumique et de souligner les questionnements qui restent en suspens.
S’affranchissant de sa pente traditionnellement “pro-business”, la CCI appelle les entreprises à “se repenser” pour refaire lien avec la nature et la société. Elle appelle ainsi de ses vœux une pensée économique plus audacieuse pour sortir du “toujours plus”, et à une action volontariste de l’État pour lever les verrous systémiques.
Ainsi nous ne pouvons que souscrire à l’idée émise que « Dans une logique de sobriété, il faudrait repenser les politiques pour qu’elles puissent inciter à diminuer la production volumique, s’assurer de l’accès des moins aisés au « suffisant » et réorienter le tissu productif…” Et au souhait exprimé par l’étude d’une nécessaire évolution de nos “préférences collectives” au travers de nouvelles valeurs et de nouveaux récits.
Pierre DE BEAUVILLÉ et Gaëlle RICQUEBOURG pour la Commission économie de la décroissance
Lien vers l’étude : https://generationecologie.fr/wp-content/uploads/2025/02/Decroissance-volumique_rapport_CCI_janvier_2025.pdf