Réunion du 4 avril à l'Assemblée
Réunis samedi à Paris, les Verts "responsables" sont décidés à s’organiser en confédération. Et se disent prêts, le jour venu, à entrer au gouvernement.
"Une résurrection…" Antoine Waechter, ancien candidat vert à la présidentielle, est là. Corinne Lepage, ancienne ministre de Chirac, aussi. L'ancien patron des Verts passé par le MoDem, Jean-Luc Benhammias, et celui de Génération Écologie, Yves Pietrasanta, complètent le tableau de cette grande réunion de famille des écolos pro-Hollande. À leurs côtés, Placé et consorts. "C'est une résurrection, un signe pour ceux qui nous avaient enfermés dans un tombeau", s'amuse François de Rugy, le coprésident du groupe écolo à l'Assemblée. La réunion fait le plein. Les organisateurs s'en félicitent encore : tout le monde n'a pas pu entrer. Le même problème risque de se poser si Manuel Valls les appelle au gouvernement. Et cette-fois, ils ne s'en réjouiront pas. En attendant, ils se mettent en ordre de marche.
Placé, Baupin, Rugy, Pompili, tous actuels parlementaires Europe Écologie-Les Verts (EELV), sont venus plaider pour un regroupement des écolos "responsables" dans un "réseau" ayant "une forme confédérative". "Nous sommes partants pour entrer au gouvernement, et nous irons jusqu'au bout de la création de cette maison commune", lâche Benhammias. Le Front démocrate, le petit parti qu'il dirige désormais, vise mi-juin pour la mise en route de cette confédération.
"La disparition de l'écologie"
Tous ici combattent la ligne défendue par Cécile Duflot, celle d'un rapprochement avec la gauche alternative. Eux sont pour l'alliance avec le PS. À la tribune, Rugy s'en prend à la "dérive protestataire qui peut mener à la disparition de l'écologie" quand Placé dénonce le "sectarisme" de ce qui est encore son parti. Tous mettent en avant les sondages où leurs sympathisants approuvent un retour au gouvernement, tout en sachant très bien que cette position est minoritaire au sein d'EELV.
Cette semaine, Emmanuelle Cosse et la direction d'EELV ont adopté un texte – que le JDD a pu consulter – qui liste clairement les conditions d'un retour au gouvernement : abandon des grands projets inutiles comme Notre-Dame-des-Landes ; fermeture de Fessenheim "dans les plus brefs délais" ; politique de l'offre rediscutée, engagement de la fusion CSG-impôt sur le revenu ; initiative sur le droit de vote des étrangers. Et surtout la "proportionnelle intégrale" mise en œuvre "dès 2017", "une condition indispensable et minimale à la confiance permettant de gouverner ensemble".
"Le dernier endroit où l'on utilise le Roundup"
Valls et Hollande ont annoncé qu'ils ne comptaient pas changer de ligne. Les écolos savent donc que cette liste restera lettre morte. Or, si les écolos pro-Hollande allaient au gouvernement contre l'avis de leur parti, ils risqueraient l'exclusion. "Après les pionniers de l'écologie, il y a eu les développeurs. Maintenant, il y a les éradicateurs. Le dernier endroit où l'on utilise le Roundup, c'est chez les Verts", ironise de Rugy. "Tenir un parti, c'est bien, mais il faut aussi avoir des voix. Avec la stratégie de Duflot, on s'est viandés aux dernières élections", se lamente Placé. "Le parti EELV, et j'en prends ma part, est discrédité. Nous sommes perdus dans nos divisions internes", poursuit-il. Un organisateur de la réunion glisse : "Placé et les autres sont dans l'entonnoir. Avec ce qu'ils ont dit, ils ne peuvent plus reculer. S'ils reculent, ils vont se faire laminer car ils sont minoritaires chez eux."
Tout peut aller très vite. Dans cette "confédération", Génération Écologie dispose de l'indispensable association de financement de parti. Certains proches de Duflot dessinent déjà le scenario noir. Celui d'une scission avec des parlementaires choisissant de venir gonfler les caisses de cette nouvelle confédération plutôt que celles d'EELV pour entraver une possible candidature de Duflot en 2017.
Cosse voudrait encore tenir les deux bouts de son parti. "Le seul discours que l'on nous tient depuis dimanche, c'est "rien ne change". Est-ce bien sérieux?", se demandait-elle dans une critique du gouvernement avant de dresser un bilan en noir et blanc de l'action de celui-ci et de parler du besoin d'un nouveau contrat. "Elle a le cul entre deux chaises", résume un participant. "Il ne faut pas confondre équilibre et ambiguïté", avertit un proche de Duflot. "Au prochain congrès, elle sautera", prédit un dirigeant écolo.
Arthur Nazaret - Le Journal du Dimanche