Philippe Germa
Par Martine Valo -
C'est dans un environnement pour lequel il s'était battu, l'océan, que Philippe Germa, 63 ans, directeur général de WWF France, le Fonds mondial pour la nature, a disparu lors d'une plongée dans le Pacifique, près de l'atoll deRangiroa, dans l'archipel des Tuamotu (Polynésie française), le 8 août. Plusieurs jours de recherches n'ont pas permis de le retrouver. " Passionné des océans, Philippe était bien plus qu'un militant de l'écologie. Il était un homme profondément humain, attaché à ses convictions et à sa volonté de léguer aux générations futures une planète vivante, a réagi la navigatrice Isabelle Autissier, présidente de WWF France. Je garde de lui l'image d'un homme combatif, acharné, exigeant et passionné, mais aussi convivial et heureux de vivre. "
Il avait pris en février 2013 la tête de l'antenne française du World Wildlife Fund, dont l'emblème – un sympathique panda – est célèbre dans le monde entier. Cette fondation lutte depuis plus de cinquante ans pour la conservation des grands mammifères menacés d'Afrique et du milieu marin notamment. Mais Philippe Germa était aussi impliqué dans les débats sur les nouvelles énergies. Il représentait son organisation au sein du comité national chargé de préparer la loi de transition énergétique pour la croissance verte adoptée en juillet.
Nés en 1952, à Alès (Gard), lui et son frère jumeau, Jean-Michel – un pionnier du secteur éolien –, avaient été tôt incités à observer la nature par leur père, géologue. Philippe Germa était néanmoins une figure atypique du milieu des ONG. Il portait souvent veste et cravate, s'exprimait avec une pointe de détachement apparent, mais sans mâcher ses mots ni lâcher son interlocuteur du regard. Diplômé de Sciences Po Paris, cet économiste de formation passait pour un homme à mi-chemin entre le monde de l'entreprise et celui des ONG.
En fait, c'est dans l'écologie politique des années 1970 qu'il avait puisé son inclination pour la défense de l'environnement. " Ces idées-là se sont développées comme des alternatives à la pensée marxiste et au déclin des grandes orientations capitalistes, elles sont nées d'une défaillance de sens de nos sociétés ", analysait-il sur France Inter en août 2014.
En 1981, Philippe Germa prend part à la campagne présidentielle avec les écologistes, après avoir rejoint les Amis de la Terre. Il rencontre Brice Lalonde, qui le fera venir à son cabinet au ministère de l'environnement en 1988 comme conseiller technique – le premier ministre de l'époque, Michel Rocard, voulait un gouvernement d'ouverture. Il y restera cinq ans. La décision de mettre un coup d'arrêt au commerce de l'ivoire, de créer des organismes comme Eco-Emballages, ou encore le début des négociations qui aboutiront au protocole de Kyoto de 1997 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre datent de cette époque, témoignait-il.
En 1990, il participe à la création de Génération écologie aux côtés de son ami Brice Lalonde. La politique l'a animé au point qu'il s'est présenté aux élections législatives de 1993 à Paris sous l'étiquette " Entente des écologistes ". Sans succès. Il cherche donc un emploi, rejoint une banque néerlandaise que son profil intéresse. Par la suite, il fondera et dirigera Natixis Environnement, et travaillera pendant une vingtaine d'années à développer des fonds d'investissement impliqués dans les énergies renouvelables et des sociétés globalement tournées vers le développement durable, assurait-il.
A la tête de WWF France, ce chantre de l'économie verte a beaucoup œuvré pour développer des partenariats avec des entreprises, gageant qu'elles seraient prêtes à changer de pratiques vis-à-vis de l'environnement.
" Je ne regrette pas de m'occuper d'une ONG planétaire, confiait l'ex-banquier. J'ai ainsi l'occasion de rencontrer mes homologues, de changer le monde. Car, oui, tel est notre objectif ! " Philippe Germa pestait, en 2014 sur France Inter, contre " l'homme qui consomme une planète et demie par an ", autrement dit qui épuise en quelques mois les ressources renouvelables produites par la Terre en une année. En 2014, ce sinistre " jour du dépassement " tombait un 17 août. Cette année, c'est arrivé quatre jours plus tôt.
Martine Valo - Le Monde