5 décembre : une mobilisation massive pour retrouver le sens de l’essentiel

05 décembre 2019

Comme l’écrit le philosophe Dominique Bourg, « dans le nouvel âge de l’humanité qui arrive, nous aurons besoin de plus de fraternité et de solidarité » pour faire face à l’urgence écologique. Oui, la solidarité est le seul moyen de changer de paradigme.

Dans une perspective d’écologie intégrale, l’Etat Résilience est une nouvelle étape de la construction républicaine, son prolongement et sa transformation en une République écologique. Bien sûr cette nouvelle étape suppose que les précédentes, à savoir la construction de l’Etat Providence, ne soit pas détruite !

Aujourd’hui, de très nombreuses françaises et français expriment avec force leur attachement à un des piliers de l’État Providence, la retraite par répartition, mise en place au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale dans une société française meurtrie et à reconstruire. Le programme du Conseil National de la Résistance prévoyait, parmi les mesures à appliquer dès la Libération du territoire au titre des réformes indispensables, « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Alors qu’il faut aujourd’hui écrire le programme du Conseil National de la Résilience, les écologistes partagent les inquiétudes de très nombreux français concernant la réforme des retraites, et plus généralement la protection sociale. Nous ne sommes pas des tenants du conservatisme et l’harmonisation des régimes n’est pas en elle-même un tabou. Mais nous ne sommes pas dupes du faux prétexte de l’harmonisation pour justifier un recul des droits sociaux. Nous sommes résolument opposés au nivellement par le bas alors qu’historiquement, de nombreux régimes correspondent à des conquêtes sociales mais surtout à un salaire différé compensant la rémunération modeste de certaines professions, particulièrement pour les agents des services publics. De même, c’est avec consternation que l’on découvre des intentions de réforme qui se traduiraient mécaniquement par une nouvelle aggravation des inégalités entre hommes et femmes vis-à-vis du droit à la retraite. 

Derrière l’expression des mobilisations massives du 5 décembre, c’est bien de la reconnaissance due au travail humain et des services publics dont il est question. Cette mobilisation va bien au-delà du seul sujet des retraites. Elle intervient dans un contexte marqué par une sorte d’effondrement matériel et moral des grands services publics, en particulier les hôpitaux, qui font la fierté de la France. Imagine-t-on sérieusement pouvoir organiser une société solidaire face aux catastrophes à venir et dans un contexte d’urgence écologique sans infirmières, sans personnels auprès de nos anciens, sans professeurs pour enseigner et transmettre les savoirs, sans cheminots pour conduire les trains… ?

Alors que les inégalités et la pauvreté augmentent, c’est aussi la revendication de la nécessaire reconnaissance du travail qui s’affirme. Oui, une vie de labeur mérite une digne retraite. Oui, dans une société qui glorifie l’étalage des richesses des plus nantis et leur confère sans cesse de nouveaux avantages, qui valorise le consumérisme et la sacro-sainte croissance, qui s’extasie devant la création prétendument « magique » de valeur par la finance ou par la soi-disant « dématérialisation » numérique, il faut retrouver le sens de l’essentiel. Remettre les pieds sur Terre c’est donc replacer la reconnaissance due au travail humain au centre de nos valeurs. Précisons : du travail marchand comme non-marchand, c’est-à-dire celui consacré aux communs de notre société.

Que vaut en euros non cotisés un boulot de maman ? De papa ?  De grands-parents ? Quid de celles et ceux qui consacrent leur temps au bénévolat ? A la prise en charge de leurs aînés ? A l’associatif ? Ne produisent-ils/elles pas non plus une forme de « richesse » ? Ces activités essentielles ne devraient-elles pas compter pour le calcul d’une retraite ? Quel fabuleux gâchis ! Quel manque de vision ! Quel beau moyen d’assujettir encore davantage le travailleur dans un système économique qui profite à si peu de personnes et dévaste toujours davantage nos conditions de vie sur notre seule planète, la Terre !

Éric POUJADE