Ségur de la Santé : et le climat ?

24 mai 2020

Au commencement d’un grand plan de refondation du système de santé français, dont la précarité mais aussi la force se sont révélées avec la Covid-19, nous nous inquiétons de l’absence de références à la crise climatique en cours.

Sans revenir sur les liens qui semblent exister entre la crise sanitaire et l’état de délabrement environnemental de notre planète, nous ne pouvons que souligner le fait qu’en tant qu’acteurs de santé nous sommes aussi responsables du changement climatique et par là-même de ses conséquences sur la santé humaine.

Faut-il rappeler l’énorme impact de nos systèmes de santé sur l’économie, l’emploi, l’industrie, la construction, les transports, l’énergie et, dès lors, sur les émissions de gaz à effet de serre ? Ces systèmes représentent de 10 à 17% du PIB des pays industrialisés et leur agglomération conduirait à leur attribuer la 5ème position en terme d’émission de CO2.

Nous sommes de plus en plus nombreux, soignants, administratifs, industriels à nous intéresser à cette relation entre soins et préservation de la planète, d’autant plus que notre matière est l’humain. Nous avons même élaboré dans certains hôpitaux, cliniques, centres de soins et cabinets de ville des parcours/protocoles/réflexions pour une santé éco-durable en sus des mesures environnementales obligatoires concernant le bâti, la gestion des flux, l’énergie, les transports, les déchets.

En effet, les systèmes de santé, même s’ils traitent de ce que nous avons de plus cher, notre santé, relèvent d’entreprises comme les autres et qui doivent participer à l’effort collectif visant à limiter le réchauffement planétaire en diminuant les émissions de CO2.

Ainsi, les soins peuvent et doivent être éco-conçus, et, à efficacité équivalente, toutes nos décisions doivent être prises avec l’obsession de diminuer notre coût carbone.

Le fait de mettre la durabilité au cœur de nos préoccupations et de nos prises de décisions permet aussi des économies pour la santé (tiens, un projet qui ne coûte pas mais qui rapporte !) et bien entendu d’améliorer des paramètres sociétaux (qualité de vie, bien-être personnel, cohésion d’équipes, inclusion sociale, handicap, égalité femme/hommes, bienveillance).

Ainsi, loin de se prévaloir de la santé comme d’un encouragement à la gabegie, c’est bien à partir des considérations écologiques et climatiques qu’il faut concevoir ce plan de refondation. Toute décision doit être prise à cette aune et tout euro dépensé pour la santé doit l’être à la condition que l’on respecte les Accords de Paris et qu’un bilan carbone ait été effectué au préalable.

Refondation signifie changement de paradigme : notre logiciel doit changer car l’amélioration des conditions environnementales est bel et bien inséparable de celle de notre état de santé !

A la lecture du compte-rendu du conseil des Ministres du mercredi 20 mai annonçant le « Ségur de la Santé », on est frappé que la seule allusion au problème climatique se trouve dans la partie « investissements » qui doivent se décliner dans une « logique de développement durable ». Ni les ressources humaines, ni les carrières, ni les soins, ni la médecine de ville, ni les Ehpad, ni le médico-social, ni l’organisation en territoires de santé ne sont pensés, à ce stade, en terme de développement durable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La téléconsultation et la médecine numérique, emblèmes de cette révolution durable à bien des égards, sont réduites à des outils de « simplification ».

Ce plan doit s’articuler à chaque ligne à la lumière des enjeux climatiques. La communauté médicale y est prête, les citoyens aussi sans parler des générations futures.

Nous contribuer à cette démarche à laquelle nous avons déjà apporté notre réflexion, notre savoir-faire, notre connaissance du terrain, des enjeux, des problèmes et envisagé et testé des solutions.

Il est à remarquer que le National Health Service du Royaume-Uni a élaboré un plan d’action ambitieux à cet égard, avec une unité dédiée, des outils et comme crédo « la santé et des soins de haute qualité pour tous, maintenant et pour les générations futures » ainsi qu’une campagne intitulée « Pour un NHS plus vert ». Ce plan vise un bilan zéro carbone et a assigné à chacun de ses 1,3 millions de personnels un objectif de baisse d’émissions de CO2.

Une étude approfondie et comparée de ce programme, le plus avancé au monde, s’impose au moment de la mise en place de cette concertation en vue de la refondation de notre système de santé.

Dr Jane Muret, Anesthésiste-Réanimatrice engagée dans le développement durable à l’Hôpital