Génération Ecologie demande la réunion urgente d’un conseil de défense écologique

03 juin 2020

Communiqué : Alerte scientifique sur le risque canicule + pandémie Covid-19 Télécharger au format PDF

En France, le début de l’année 2020 est déjà le plus chaud jamais observé. Alors que de nouveaux épisodes caniculaires records sont redoutés, notre pays doit se préparer, a fortiori dans le contexte de la Covid-19.

Le 25 mai, le réseau mondial sur les effets sanitaires de la chaleur (GHHIN)[1] de l’Organisation Mondiale de la Santé et de l’Organisation Météorologique Mondiale[2] a publié une alerte sur les effets cumulés des canicules possibles et de la pandémie de Covid-19. Les experts redoutent des effets cumulatifs potentiels pour les publics vulnérables et pour les systèmes de santé. Ils pointent aussi les contradictions existantes entre les protocoles à appliquer pour prévenir la propagation du virus et se protéger face à la canicule. Ils appellent les gouvernements à « garantir la sécurité des personnes par temps de chaleur sans augmenter le risque de propagation de la Covid-19 ».

Génération Ecologie demande la réunion urgente d’un conseil de défense écologique pour prendre toutes les dispositions nécessaires. Le gouvernement ne doit pas répéter les erreurs qui avaient conduit la France à sous-estimer les risques liés au coronavirus.

L’alerte des scientifiques doit être prise au sérieux, au plus haut niveau de l’Etat. Alors que notre pays sort à peine du confinement, que l’économie est exsangue, la France ne peut pas se permettre de ne pas être prête face à une éventuelle canicule. La résilience doit enfin être une priorité structurelle de l’Etat. 

Dans l’immédiat, en complément de l’avis déjà rendu par le Haut Conseil de la Santé Publique[3], nous appelons à la mise en œuvre des préconisations de l’OMM et de l’OMS, la création d’un conseil scientifique spécifique aux interactions entre canicule et Covid-19, et à des mesures de prévention qui doivent être décidées dès à présent (activation des plans d’alerte, préparation des infrastructures stratégiques, messages clairs sur les gestes barrières adaptés, réglementation de la climatisation et de la coupe des végétaux, plan d’adaptation des horaires de travail négocié avec les partenaires sociaux…).

Un risque de canicule élevé :

Météo France annonce d’ores et déjà un été 2020 « plus chaud que la normale », d’après les prévisions saisonnières pour le trimestre de juin à août[4].

Sur les neufs derniers étés, huit ont connu une canicule. L’été 2019 a été marqué par deux vagues caniculaires exceptionnelles et des records absolus de températures en France métropolitaine, avec 46°C à Vérargues dans l’Hérault le 28 juin 2019. La canicule de 2019 avait provoqué 20 000 passages aux urgences et 1 500 décès. En juillet dernier, 35% de la population métropolitaine avait été concernée par la vigilance rouge.[5]

Selon le bilan de Météo France[6]le printemps 2020 est déjà le deuxième le plus chaud de l’histoire en France. L’hiver 2020 avait déjà été le plus doux depuis le début des relevés météo. Depuis douze mois, les moyennes des températures sont au-dessus des normales saisonnières. « C’est évidemment l’un des symptômes du réchauffement climatique » selon le prévisionniste François Jobard[7]. Tout se passe « comme si la France était en train de changer de latitude » selon le météorologue Guillaume Séchet[8].

La sécheresse pourrait concerner une large partie du territoire cet été. Selon les prévisions rendues publiques par le ministère de la Transition écologique et solidaire[9], pas moins de 53 départements sont exposés à un risque élevé de sécheresse estivale. En 2019, 88 départements avaient souffert de la sécheresse, avec des difficultés et pénuries d’eau pour certains et des restrictions pour d’autres.

Les canicules à répétition appellent une politique volontariste d’adaptation au changement climatique. La résilience est au centre des attentes des citoyens et des territoires qui subissent vagues de chaleur, sécheresse, inondations, épisodes cévenols, recul du trait de côte… Nos modes de vie et nos cadres de vie vont devoir s’adapter, de gré ou de force. Au-delà des mesures de prévention des risques à court terme, l’accélération du changement climatique appelle des changements profonds dans la conception des villes et des bâtiments, l’aménagement du territoire et l’arrêt de l’artificialisation des sols, la transformation du modèle agricole, la gestion des forêts et l’adaptation de toutes les infrastructures.

Une phase d’emballement du changement climatique :

Les modélisations sur le changement climatique sont basées sur la relation entre la quantité de gaz à effet de serre émise par les activités humaines et la température terrestre. De plus en plus de travaux scientifiques s’intéressent aux boucles de rétroactions (telles que la disparition brutale des nuages bas[10], la fonte du pergélisol, la déforestation massive et la disparition en particulier de la forêt Amazonienne, la saturation en carbone des océans, la réduction des calottes glaciaires…[11]) qui, à partir de certains seuils, pourraient provoquer des phénomènes d’emballement de l’effet de serre. Il faut retenir de ces travaux que les effets du réchauffement climatique ne sont pas nécessairement linéaires et qu’ils peuvent s’accélérer brusquement.

Après les gigantesques incendies de l’année 2019 en Australie et en Amazonie (dont les causes sont différentes), l’OMM s’attend en 2020 et dans la décennie « à de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes, sous l’influence des niveaux records de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ».[12]  Déjà, de janvier à avril 2020, la température en Russie a été supérieure de 6°C à la normale de la période 1951-1980, dans la foulée d’un mois d’avril qui est le plus chaud jamais enregistré depuis le début des relevés de température[13]. La Grèce, la Turquie, Israël, suffoquent avec des température entre 40°C et 47°C ! Les thermomètres sont montés à plus de 47,6°C à New Delhi en Inde en mai.

À court terme, les conséquences pourraient affecter la sécurité alimentaire mondiale. Le 18 février dernier, le ministère de l’agriculture australien a indiqué que la production de certaines cultures, comme le sorgho, coton et riz, devrait chuter de 66%. Selon le rapport mondial sur les crises alimentaires d’avril 2020, le changement climatique en 2019 a précipité 34 millions de personnes dans une situation d’insécurité alimentaire[14].

Le cocktail canicule + Covid-19 :

Les scientifiques et l’OMM soulignent les effets cumulés de la Covid-19 et de très fortes chaleurs :

  • Les personnes à risque sont vulnérables à la fois à la Covid-19 et au stress thermique ;
  • Les activités des salariés occupant des fonctions essentielles pour la Nation (par exemple ceux qui travaillent en extérieur) ainsi que celles des personnels de santé (en raison des équipements de protection à porter contre la Covid-19) peuvent être très vulnérables à la canicule ;
  • Malgré les incertitudes scientifiques entourant la sensibilité du coronavirus à la température, la chaleur fatigue les organismes et pourrait aggraver les effets de la maladie chez les personnes atteintes, voire augmenter le taux de transmission dans certaines conditions ;
  • Un afflux de personnes souffrant de la chaleur peut mettre à rude épreuve le système de santé déjà très fortement sollicité face à la Covid-19 : « Dans les zones où l’on recense un nombre élevé de cas de COVID-19, un épisode de chaleur intense pourrait avoir des effets néfastes considérables sur la santé et provoquer des pertes humaines massives. » ;
  • La situation liée à la pandémie pourrait aussi favoriser le non-recours ou le retard de soins des personnes souffrant de la chaleur, avec des conséquences sanitaires graves.

Les effets sanitaires de la canicule et du coronavirus ne sont pas linéaires. Ils peuvent – ou pas – se combiner. Des scénarios catastrophiques pour les populations mais aussi pour le fonctionnement des services hospitaliers et les fonctions vitales du pays ne sont pas à exclure.

Les experts du GHHIN recommandent aux Etats de prendre dès maintenant des mesures en matière de prévention, de sensibilisation du public, de réduction des risques et de préparation à la canicule dans le contexte de la pandémie.

Exemples de contradictions concrètes entre prévention de la Covid-19 et lutte contre les effets de la canicule :

  • Aérer pour réduire les risques de transmission du virus versus fermer les volets et les fenêtres pour se protéger de la chaleur ;
  • Utiliser des ventilateurs ou la climatisation versus ne pas les utiliser car ils seraient suspectés d’être des sources de propagation du virus (exemple au Québec[15]) même si les risques semblent réduits[16] ;
  • Porter le masque versus être incommodé par le port d’un masque trempé par la sueur, avec du mal à respirer par fortes chaleurs (exemple en Israël[17]) ;
  • Réduire la fréquentation des piscines et des parcs urbains, respecter les gestes barrières versus le besoin pour la population de se rafraîchir pouvant générer des affluences massives ;
  • Travailler, remettre l’économie debout après le confinement, reprendre notamment les chantiers dans le BTP, versus l’impossibilité de travailler en extérieur ;
  • Faire du vélo, réduire la fréquentation des transports par train (un siège sur deux) et des transports en commun versus ne pas pratiquer d’activité physique par fortes chaleurs, prendre les transports en commun pour éviter des pics de pollution à l’ozone liés aux conditions anticycloniques et à la congestion automobile ;
  • Ne pas rendre visite aux personnes âgées isolées ou aux personnes vulnérables pour ne pas transmettre le virus versus visiter les aînés pour vérifier qu’ils s’hydratent…

Les mesures d’urgence que l’Etat doit prendre :

  1. Tenir immédiatement un conseil de défense écologique spécifique sur les risques liés au cocktail Covid-19 + canicule.
  2. Mettre en place un conseil scientifique spécifique aux risques cumulés Covid-19 + canicule, composé avec des membres du conseil scientifique sur le coronavirus, des météorologues, des experts du plan canicule, des spécialistes de l’adaptation au changement climatique et de ses effets sur la santé, et suivre ses recommandations.
  3. Préparer toutes les infrastructures stratégiques (système de santé, transports, alimentation etc…) aux risques liés au cumul Covid-19 + canicule.
  4. Sensibiliser dès à présent le grand public et préparer des messages clairs, sans injonction contradictoire, sur les gestes protecteurs contre la Covid-19 et les « gestes barrières contre la canicule ».
  5. Déclencher, au-delà de la veille habituelle, les plans de prévention canicule, sécheresse, incendies et feux de forêts et préparer les actions de vigilance et de solidarité en direction des publics vulnérables en mobilisant les collectivités locales et les associations.
  6. Réglementer la climatisation en ville (interdire les systèmes « porte ouverte », fixer des écarts limite entre la température extérieure et intérieure, éviter le déploiement massif de la climatisation) pour lutter contre le cercle vicieux d’un gaspillage d’énergie qui pourrait augmenter, par dégagement de chaleur dans les rues, la température extérieure en ville de 2°C[18].
  7. Alerter les particuliers et les collectivités sur la nécessité de ne pas tondre, couper ou tailler les végétaux pour préserver leurs capacités naturelles à faire de l’ombre et rafraîchir.
  8. Réunir dès à présent les partenaires sociaux pour préparer l’adaptation des conditions de travail : horaires « à l’espagnole », télétravail, mesures spécifiques à certains secteurs d’activité. 

Ressources utiles :

[1] https://www.ghhin.org/news/global-partnership-urges-stronger-preparation-for-hot-weather-during-covid-19

[2] https://public.wmo.int/fr/medias/nouvelles/un-partenariat-mondial-préconise-une-meilleure-préparation-à-la-chaleur-pendant-l

[3] https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspa20200506_cosacogedelpiencadevadech.pdf

[4] http://www.meteofrance.com/accueil/previsions-saisonnieres

[5] https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/195851/2356580

[6] http://www.meteofrance.fr/actualites/82457710-climat-le-printemps-2020-2e-printemps-le-plus-chaud-en-france

[7] https://www.ladepeche.fr/2020/05/28/preparez-vous-a-un-ete-2020-plus-chaud-que-la-normale-previent-meteo-france,8907056.php

[8] http://www.leparisien.fr/societe/records-de-chaleur-comme-si-la-france-etait-en-train-de-changer-de-latitude-22-05-2020-8321742.php

[9] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/mieux-anticiper-secheresse-emmanuelle-wargon-reuni-comite-national-leau

[10] https://www.nature.com/articles/s41561-019-0310-1

[11] https://www.pnas.org/content/115/33/8252

[12] https://public.wmo.int/fr/medias/communiqués-de-presse/un-rapport-interorganisations-met-en-évidence-les-répercussions

[13] http://berkeleyearth.org/april-2020-temperature-update/

[14] http://www.fao.org/news/story/fr/item/1271978/icode/

[15] https://www.lequotidien.com/actualites/covid-19/ventilateurs-dans-les-ecoles-quebec-ajuste-le-tir-e1ad1da0c8047a76aa3622cf20fc68e9

[16] https://www.paca.ars.sante.fr/covid-19-recommandations-pour-la-ventilation-de-lair-interieur

[17] https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/societe/1590299032-israel-apres-la-canicule-le-port-du-masque-de-nouveau-obligatoire

[18] https://rmets.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/joc.3415