Effondrement de la biodiversité : un monstre à quatre pattes !

22 mai 2021

Le 22 mai est la journée internationale de la diversité biologique organisée par l’ONU.

L’effondrement de la biodiversité ne relève plus d’une prédiction de scientifiques précurseurs, il constitue une réalité désormais incontournable. Il est dans toutes les têtes et dans tous les pays du monde, cet effondrement affecte tous les milieux, terrestres, aquatiques et aériens. La faune, la flore, les poissons, les oiseaux, selon les lieux dans le monde, ont vu leurs effectifs, leur diversité, leurs équilibres millénaires être bouleversés en quelques dizaines d’années.

Sans ambiguïté désormais, les scientifiques ont identifié quatre causes essentielles et indissociables, sous la pression desquelles la biodiversité s’effondre à un rythme qui s’accélère toujours plus.

1. Le remaniement, la destruction et la surexploitation des surfaces et des sols

L’accroissement de la population humaine associé à sa paupérisation sur une grande surface du globe, outre des exodes dramatiques en de nombreux points du monde, entraîne la perturbation et la diminution constante des espaces sauvages, souvent associées à l’extension des villes, et la bétonisation croissante des sols. Avec une vision à court terme visant toujours plus de profits pour les uns, les pratiques industrielles favorisant la monoculture (y compris des arbres) et l’élevage intensif, détruisent graduellement les sols et le monde paysan avec, y compris en France. Sur mer, la situation n’est pas beaucoup plus brillante avec la multiplication des navires usines pratiquant souvent une pêche détruisant tout autant la faune maritime, asphyxiant en outre la pêche traditionnelle. 

Toutes ces pratiques irresponsables entraînent une destruction toujours croissante des zones naturelles constituant des refuges pour la faune et la flore, comme les 700 000 km de haies arrachées en France en 50 ans ou, à l’autre bout du monde, la déforestation en cours en Amazonie etc. Cette destruction conduit à favoriser toujours plus les contacts intimes entre les faunes sauvages et la population humaine, favorisant d’autant les contaminations croisées entre les espèces, humaine y compris, et l’émergence prévisibles de nouvelles pandémies.

2. La contamination par les pesticides

C’est désormais clair, l’épandage inconsidéré de poisons comme les pesticides dans la nature, a conduit à l’imprégnation progressive de tous les milieux au détriment de la biodiversité. Ce sont désormais des centaines de pesticides qui polluent notre environnement, une pollution simultanée à la destruction de la microfaune et de la microflore, éléments clefs sur lesquels reposent les équilibres biologiques et les chaînes alimentaires en milieu terrestre et aquatique. L’empoisonnement établi de toute une partie de la flore des sols, des vers de terre, des petits crustacées aquatiques est un exemple parlant de cette rupture des chaînes alimentaire aux conséquences catastrophiques. Elle est rendue visible au final par l’effondrement entre autres des populations d’insectes, d’oiseaux, de poissons, tout autant que de petits mammifères. Famine ou mort par ingestion pour nombre d’espèces, prolifération envahissante pour d’autres plus résistantes, les conséquences de l’usage immodéré des pesticides sont désormais dramatiques. Cet empoisonnement par les pesticides a eu lieu et persiste de nos jours avec l’aval des agences sanitaires – en France l’Anses, malgré les alertes de nombreux chercheurs et l’accumulation des données scientifiques. 

Tout laisse à penser que comme pour les plastiques, les océans seront l’immense poubelle finale d’une bonne partie de ces poisons et de leurs produits de dégradation. Comme le chlordécone à la Martinique, ils resteront invisibles à l’œil sur nos plages, mais seront présents pour des dizaines d’années. On observe désormais leur présence dans le foie de mammifères marins. Cette toxicité établie pour la biodiversité n’exclue en rien des effets directs sur la santé humaine. Les exemples se multiplient d’effets non prévus par nos agences, de effets révélant la toxicité désormais avérée de nombreux pesticides, de leur mélange, sur la santé humaine.

3. Le réchauffement climatique

Les conséquences du réchauffement climatique sont multiformes et ne se réduisent pas à un impact sur la biodiversité. Elles ont été évoquées et détaillées depuis des mois à l’occasion des discussions sur la loi climat. Les voies par lesquelles le réchauffement affecte la biodiversité sont très diverses, même si le réchauffement climatique ne rend pas compte à lui seul de l’effondrement de la biodiversité. Parmi les plus évidentes, on relèvera l’assèchement grandissant de territoires entiers en particulier en Afrique qui, en réduisant comme peau de chagrin les surfaces propres à l’agriculture, poussant inéluctablement les populations humaines à l’exode. Pourtant, les pays d’Afrique sont bien moins que d’autres la source de ce réchauffement. Les principaux fauteurs ne sont de toute évidence pas les premiers payeurs. Cet assèchement a des conséquences moins fréquemment évoquées mais tout aussi dramatiques sur toute la micro et la macro faune, sans même évoquer les organismes vivants fixés comme plupart des végétaux destinés eux à l’extinction. Quant à la submersion rapide de zones côtières par des eaux salées, elle affectera des régions entières entrainant de façon similaire un exode forcé des populations animales et humaine et la mort des végétations côtières avant que ne s’établisse un éventuel nouvel équilibre. Parmi les conséquences que nous pouvons dès maintenant craindre des effets du réchauffement climatique sur les espaces maritimes en regard de la catastrophe écologique que représente la libération des glaces en Arctique figure la course effrénée que va entrainer l’exploitation des ressources rendues accessibles en arctique. Particulièrement dangereux pour la biodiversité, il est à craindre que les freins à l’exploitation des ressources minières soient dérisoires face aux intérêts affichés des États.

4. La quatrième patte : l’inertie face à l’urgence

Tout au long de la décennie débutée en 2012, comme depuis l’émergence en 1993 de cette supposée mobilisation a priori bienvenue autour de la Biodiversité, il est apparu un décalage considérable entre les déclarations d‘intention et la réalité des faits. A l’échelle de la planète, ni la destruction des sols, ni l’épandage des pesticides, ni le réchauffement climatique, n’ont ralentis, bien au contraire. En France les pas-de-deux se sont succédés, derniers exemples en date, l’usage du glyphosate et des néonicotinoïdes, toujours là malgré les déclarations tonitruantes. Concernant le climat, et sous la pression des réalités, des progrès existent certes mais en aucun cas ils ne permettront d’atteindre les ambitions affichées.  

Le cynisme dans ce domaine est total. Un exemple ? Les revues scientifiques croulent sous les évidences des dégâts causés par la toxicité des pesticides à la biodiversité voire directement pour la santé humaine. En face, plus puissant que les états, les firmes de l’agrochimie jouent la montre : chaque année représente des bénéfices qui se chiffrent en milliards d’euros, la politique des petits pas leur convient. Tel pesticide interdit en Europe sera répandu au-dessus des zones défrichées en Amazonie. L’interdiction de tel autre, conduira à l’homologation d’un nouveau tout aussi dangereux. Une grande partie des tests demandés par les agences avant la mise sur le marché des pesticides sont sans valeurs. Le démontre la catastrophe pour la biodiversité des 50 dernières années, alors que les pratiques, les substances étaient supposées, selon ces tests, selon les agences de sécurités françaises et européennes, nous garantir une innocuité pour l’environnement et la santé humaine. Le monde politique agit lui-même comme un bateau ivre, coincé qu’il se trouve entre l’évidence de la catastrophe, le désir étouffé des populations, en particulier des jeunes, et les enjeux économiques, vrais ou supposés, méprisant le long terme et l’intérêt collectif.

Génération Écologie prendra toute sa place dans la défense de la biodiversité

Il n’est pas du rôle de Génération Écologie de se substituer au monde scientifique dans le choix des mesures propres à assurer la défense de la biodiversité. Celui-ci reste le seul, en attestent les milliers de publications dans la littérature mondiale, librement accessibles, à même d’évaluer plus avant les mesures à prendre. Génération Écologie observe néanmoins dès maintenant que ce monde scientifique, y compris à travers ses institutions lorsqu’elles réussissent à maintenir leur indépendance, envoie à ce jour un message clair : les mesures se doivent désormais d’être immédiates et massives, loin des « petits pas » qui n’ont pas permis – les dernières années en sont la preuve – d’assurer la préservation et le nécessaire rétablissement de la biodiversité.

Pour permettre à la voix de la communauté scientifique de s’exprimer, il faut déjà reconnaitre la débâcle des autorités actuelles en place (en France, l‘Anses) sur la question de la biodiversité. Cette débâcle survenue malgré les alertes de scientifiques, de nombreuses ONG en France et à travers le monde, appelle une refonte profonde de ces institutions. Cette refonte se doit d’être précédée d’une réflexion propre à mettre en place des institutions abritées des pressions reflétant des intérêts économiques aveugles sur le long terme ou parfaitement cyniques. Une telle réflexion relève cette fois de tous les citoyens et de leurs représentants, politiques y compris. Génération Écologie est prête à y apporter toute sa contribution.

Les autorités en place n’ont pas pour fonction d’étouffer la voix de la population sur ces questions, mais au contraire se devraient d’en être le porte-voix. Le minable résultat des suites données aux propositions de la Convention citoyenne sur le climat devrait nous éclairer sur le chemin à ne pas suivre. En ce sens, les décisions de ne pas reconnaitre le caractère criminel de l’écocide actuel (une décision destinée à priver les citoyens d’un levier essentiel), de ne pas favoriser les votations citoyennes, sont des signaux désastreux envoyés par les autorités.

L’attente de toutes et tous pour assurer le maintien de la biodiversité est forte en France et dans le monde, les solutions et les décisions à prendre sont multiples. Génération Écologie s’engage à contribuer toujours plus, dans toutes les instances municipales, régionales et nationales à développer et soutenir les initiatives et les politiques propres à répondre à cette attente.

Pour nous, le sens de cette journée internationale de la biodiversité, n’est pas de faire un grand raout de plus sur le sujet. Plutôt que des beaux discours, il s’agit de casser une logique marquée par l’enrichissement égoïste des uns au détriment de l’état du monde et de sa biodiversité dont l’espèce humaine n’est finalement qu’un élément. 

© photo P.Bernard / Pollinis

 Pierre Rustin