Hommage à Bruno Latour

10 octobre 2022

Le philosophe, anthropologue et sociologue Bruno Latour vient de s’éteindre à l’âge de 75 ans. 

Génération Écologie fait part de sa tristesse et salue l’oeuvre du penseur du « nouveau régime climatique », inlassable observateur des multiples facettes d’une modernité qu’il souhaitait, en l’investiguant, réinventer : « Un peuple qui sait s’autodécrire est capable de se réorienter politiquement ». Son héritage est d’une grande richesse et continuera longtemps à inspirer notre mouvement. 

En effet, Bruno Latour a invité à redéfinir notre lien à « la nature » et aux êtres non-humains. Il a notamment plaidé, dans Politiques de la nature ou dans son recueil de conférences Face à Gaïa, pour « un parlement des choses ». Dans cette perspective, il souhaitait construire une gouvernance globale permettant au niveau mondial l’expression d’autres voix que celles des Etats-Nations, dans le cadre d’une « géopathie », une empathie pour la Terre, qui n’est pas sans rappeler certains préceptes du care terrien développés par l’écoféminisme. 

Avec des ouvrages fondateurs comme La vie de laboratoire ou L’espoir de Pandore, Bruno Latour a cherché à fonder une version « réaliste » de l’activité scientifique, loin du mythe d’une technoscience toute puissante.  Il a ensuite opéré le même travail de déconstruction avec « les lois du marché », fondé sur une solide critique du capitalisme qui l’a progressivement amené à remplacer l’objectif de croissance par celui de prospérité.

Génération Écologie adhère à l’analyse défendue dans Où atterrir ? qui souligne la responsabilité et le cynisme des classes dirigeantes qui, conscientes du risque climatique, font sécession et n’hésitent pas à instaurer un régime d’inégalités généralisées et grandissantes, pour mieux tirer profit des pénuries de l’Anthropocène. Face à la destruction organisée de l’habitabilité de la Terre, Bruno Latour a dessiné le chemin du devenir « terrestres ».

Il était également un fervent partisan d’innovations sociales, politiques ou artistiques pour interroger le statut et la représentation des entités naturelles aussi bien que techniques. Nombreux sont celles et ceux qu’il a inspirés, dans ces différents registres. 

Enfin, sans partager l’ancrage religieux de certaines de ses analyses, Génération Écologie a été sensible à la conception œcuménique et universaliste défendue par le philosophe : « l’intrusion de Gaïa » ayant pour effet, d’après le philosophe, de nous rendre plus proches « de tous les dieux », des humains et des non-humains. 

Génération Écologie rend hommage à un penseur iconoclaste, pionnier de l’écologie politique, qui a contribué à déconstruire les mythes fondateurs de notre époque, ouvrant ainsi la voie à une reconfiguration politique radicale qui est au fondement de notre engagement.

Anne-Laure Bedu, Éric Poujade et Fanny Verrax