23 février 2023
« Non à la guerre en Ukraine. Soutien au peuple Ukrainien ». Il y a un an, Génération Écologie exprimait sa condamnation claire et ferme de l’attaque militaire de Poutine, l’exigence de sanctions rapides et d’un appui à la résistance. A cette occasion, Quentin Guillemain, coordinateur adjoint et porte-parole de notre mouvement, dont une partie de la famille vit en Ukraine, nous partageait son analyse. Alors que Génération Écologie appelle à la Marche pour l’Ukraine ce samedi 25 février, nous faisons le point avec Quentin sur la guerre et la situation sur place.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a débuté il y a bientôt un an. Aujourd’hui, comment vois-tu la situation ?
Quentin Guillemain : Un an après, force est de constater que Vladimir Poutine a été mis en échec dans sa tentative d’invasion impérialiste en Ukraine. Il a d’abord cru à une guerre éclair permettant de faire main basse sur Kiev. Il n’avait pas anticipé la force mentale de ce peuple qui se bat depuis plusieurs générations pour son pays et son indépendance. L’objectif de Poutine était limpide : récupérer les lieux du pouvoir pour s’accaparer la direction du pays et mettre à sa tête un de ses obligés. Il a échoué.
Puis il y a eu l’utilisation de l’effroi nucléaire : en s’attaquant à la plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijia, et à Tchernobyl, la Russie a voulu menacer le monde d’une nouvelle apocalypse.
Depuis plusieurs semaines, la stratégie de Poutine a été de faire mourir de froid la population en s’attaquant aux infrastructures électriques dans un pays où les températures à cette saison descendent à -20 degrés. C’était là aussi sans compter la débrouillardise et le mental de la population ukrainienne.
À l’heure où je parle, la bataille se cristallise autour de deux régions du sud-est de l’Ukraine : le Donbass et la région de Louhansk. Ces régions étaient déjà occupées, pour partie, par des milices pro russes depuis 2014 et l’invasion de la Crimée. Mais l’Ukraine est désormais bien décidée à les récupérer pour revenir à ses frontières de l’indépendance de 1991, les seules reconnues d’ailleurs par la communauté internationale.
Les réactions de la communauté internationale, tant en soutien à l’Ukraine que contre la Russie sont-elles suffisantes ?
Quentin Guillemain : Alors qu’il y a quelques mois nous parlions de livraisons d’armes défensives uniquement, ce sont désormais des armes lourdes et offensives qui sont livrées aux Ukrainiens. Cela change la donne et peut donner l’avantage à l’Ukraine. Évidemment, pour que cela fonctionne, il ne faudrait pas non plus que cela précipite une course à l’armement du côté de la Russie, grâce à l’Iran ou à la Chine par exemple. Il y a une course de vitesse afin que l’Ukraine gagne rapidement cette guerre et éviter un enlisement du conflit, avec des armes toujours plus lourdes, et le risque d’un basculement vers les armes chimiques ou nucléaires.
Les sanctions économiques contre la Russie sont aussi importantes. Elles mettent en péril le mythe d’un avenir soviétique radieux et fragilisent Poutine. Elles le fragilisent car elles s’attaquent aux oligarques proches du pouvoir et à la construction clanique du Kremlin. Progressivement, et à force de poursuivre son idéologie liée au mythe du retour de la « Grande Russie » impériale, il se coupe de ceux qui préfèrent une certaine stabilité économique et politique et privilégient leur fortune personnelle. Or ce sont eux qui dirigent véritablement la Russie aujourd’hui et son économie.
Mais il faut encore aller plus loin. Quand on voit qu’Auchan, Leroy Merlin ou même Total continuent leurs activités en Russie, ce n’est pas acceptable. C’est encore moins acceptable quand des enseignes telles qu’Auchan ou Total financent, via leurs activités, l’effort de guerre russe. Dans un langage plus cru, j’appellerai cela des traîtres aux valeurs françaises et européennes, à la démocratie et à la paix. Leurs actions vont à l’encontre des efforts de la France et de l’Union Européenne pour mettre fin à cette guerre.
De même, le nucléaire échappe aux sanctions. Or l’uranium de retraitement enrichi (URE) utilisé par EDF – 15% en 2022 comme en 2021 – mais aussi celui commercialisé par Framatome, provient de Russie dans le cadre d’un contrat avec Rosatom. Il y a là une contradiction qui doit cesser.
Que penser de la position d’Emmanuel Macron qui a annoncé il y a peu vouloir le retour des négociations avec la Russie ?
Quentin Guillemain : Emmanuel Macron se veut pragmatique. Il rêve que cette guerre s’arrête lors d’un grand sommet entre l’Ukraine et la Russie via son entremise. Il croit à la résurgence des Accords de Minsk conclus par François Hollande en 2014, suite à l’invasion par la Russie de la Crimée et d’une partie du Donbass en Ukraine. Je rappelle par ailleurs que les Accords de Minsk n’avaient rien réglé, comme le prouve la situation actuelle. De ce point de vue, Emmanuel Macron a une lecture biaisée de ce qui se passe. Pense-t-il réellement que l’Ukraine est prête à s’asseoir à une table pour négocier une partie de son territoire aux Russes ? C’est inacceptable et insultant pour les ukrainiens.
Il faut aussi voir à quelle guerre ce peuple fait face. La Russie se permet le pire : attaquer les civils comme les militaires, bombarder des hôpitaux et même des crèches, violer les femmes. Il s’agit ici de crimes de guerre.
L’accueil de réfugiés ukrainiens sur le territoire français se poursuit-t-il et dans quelles conditions ?
Quentin Guillemain : La vague d’immigration ukrainienne s’est tarie. D’abord parce que la guerre est désormais plus localisée, mais aussi parce que une grande partie de celles et ceux qui voulaient fuir l’ont déjà fait. Le plus souvent il s’agissait de femmes avec des enfants qui rejoignaient des amis ou de la famille à l’étranger. Une grande partie est retournée au pays. Pour celles et ceux qui sont restés en France, cela reste difficile. La solidarité s’est étiolée. Les personnes qui étaient hébergées se voient priées de trouver une autre solution. On peut aussi comprendre que les familles d’accueil qui ont été solidaires n’avaient pas anticipé une guerre aussi longue. Il est difficile de vivre plusieurs mois avec des personnes que vous n’avez pas choisies et qui ont une culture et/ou une langue différente.
Nous faisons désormais face à des situations difficiles. Et l’État n’a pas pris le relai de cette solidarité spontanée, importante, mais qui était le fait de citoyennes et de citoyens et non des institutions.
A quoi devons-nous nous attendre dans les mois à venir ?
Quentin Guillemain : Avec l’arrivée des beaux jours, il est fort probable que la Russie tente une nouvelle offensive. Peut-être via la Biélorussie. L’Ukraine dispose aussi de plus d’armes qu’elle n’en a jamais eu, grâce au soutien des occidentaux. A la suite de son discours du 21 février, on peut voir que Poutine continue à brandir la menace nucléaire. Par ailleurs, le rapprochement de Moscou avec Pékin n’annonce rien de bon. Il est probable que la Chine contribue à l’armement de la Russie dans les prochaines semaines. Nous ferons alors face à une guerre par procuration sur ce territoire entre un pôle occidental Etats-Unis – Union européenne et un pôle oriental Russie – Chine, le tout risquant à tout moment de dégénérer dans une troisième guerre mondiale. Cette confrontation civilisationnelle avec le monde occidental et ses valeurs est clairement théorisé depuis une vingtaine d’années par Alexandre Douguine, grand maître à penser de Poutine. Pour eux, l’Occident, c’est la décadence et la faiblesse du pouvoir incarnée par la démocratie.
Entretien réalisé par Cécile Faure