04 avril 2023
Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) a publié les chiffres provisoires du bilan des émissions de gaz à effet de serre en France pour l’année 2022.
Les émissions ont légèrement baissé de 2,5% sur l’année 2022. Soit une baisse inférieure de moitié à ce qu’elle devrait être pour que la France respecte ses propres engagements climatiques. A minima, selon le Haut Conseil pour le Climat, les émissions doivent diminuer de 4,7% par an, et ce avant le relèvement des objectifs à -55% d’ici 2030 adopté par l’Union européenne. Il n’y a donc pas de quoi crier victoire, loin s’en faut !
Les baisses enregistrées dans les différents secteurs sont avant tout liées au contexte. Dans le secteur résidentiel, la baisse des émissions est due à la fois à à l’explosion des prix de l’énergie et à un facteur météorologique, avec notamment le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré en France. Dans l’industrie, c’est également la hausse des tarifs de l’énergie qui a entraîné une baisse de la production et donc une diminution des émissions. Parallèlement, la mise à l’arrêt de nombreux réacteurs nucléaires pour raison de maintenance ou de sûreté (corrosion sous contrainte) a conduit à une augmentation inédite des émissions (+8%) du le secteur énergie. Au lieu de faire le choix résolu de la sobriété, le gouvernement a décidé d’un recours accru aux centrales électriques à gaz et même de la relance du charbon.
La comparaison entre 2021 et 2022 par secteur fait apparaître que :
- les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports repartent à la hausse (+2%) à cause du transport routier principalement (rebond post-Covid) et de l’aérien;
- les émissions de l’industrie et l’énergie repartent à la hausse;
- les émissions de l’Industrie manufacturière et de la construction baissent, mais pour des raisons exogènes (inflation, contexte international)
- le bâtiment enregistre une forte baisse, mais cela ne peut en aucun cas être imputé à l’effet MaprimRénov’ et ses à peine 65 000 rénovations globales en 2022 sur 5 millions de passoires thermiques (chiffre : ANAH) mais au prix de l’énergie et l’hiver 2022 très doux ;
- les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture stagnent à un niveau très haut et ne diminuent pas par rapport à 2021.
- l’effondrement des puits de carbone se poursuit, les forêts ayant de plus en plus de mal à absorber le CO2 du fait du réchauffement climatique.
Aussi les discours du gouvernement par la voix de la Ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher qui consistent à dire que l’amélioration des chiffre “sur le secteur résidentiel et tertiaire notamment, traduisent les effets de notre politique climatique ces derniers mois” et que la baisse des émissions de 8,4% sur le quatrième trimestre par rapport à 2021 est « le résultat du plan de sobriété et de la mobilisation des entreprises, des administrations et des collectivités locales, ainsi que de l’ensemble des Français » sont d’un cynisme confondant au vu des enjeux climatiques et économiques réels auxquels nous faisons face.
La France ne suit pas les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone telle qu’elle s’était fixé en 2015 qui limitait les émissions de carbone pour la période 2019-2022 à 398 Mt CO2/an, mais une version révisée en 2019 qui remet les objectifs de réduction à plus tard et augmente le budget de CO2 autorisé à 422 Mt CO2/an pour la même période.
La France cumule donc des retards pour atteindre les objectifs initiaux de sa stratégie bas carbone, pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour s’aligner sur les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 (par rapport à 1990) conformément à l’ambition fixée en avril 2021 par l’Union européenne (Ajustement à 55, Fit for 55).
Il est donc grand temps d’organiser une réduction drastique des émissions de GES pour s’aligner tout au moins pour aux objectifs européens. Et cela passe par une seule voie, le gouvernement le sait : l’organisation de la décroissance.
Cécile Faure et Abel Cuvidad