Non à la censure de la campagne de l’Ademe contre la surconsommation

23 novembre 2023

Récapitulons les événements dont la seule chronologie est révélatrice :

Le 14 novembre dernier, l’Ademe présente une nouvelle campagne de communication « épargnons nos ressources  » contre la surconsommation, avec le soutien du ministre de l’écologie. Lors de la conférence de presse de présentation, le ministre prend soin de préciser : « Vous notez que je n’utilise pas le terme de décroissance. D’ailleurs, vous ne l’avez sûrement jamais entendu dans ma bouche. Et, je préfère le dire tout de suite, il ne s’agit pas de cela aujourd’hui dans la campagne de communication de l’ADEME. » Cette campagne, qui met en scène un « dévendeur  » appelle à des réflexes élémentaires : faire réparer un lave-linge au lieu d’en acheter un neuf, louer une ponceuse plutôt que d’en payer (cher) une qui restera à 99% du temps dans un placard, remplacer son smartphone hors service par un appareil reconditionné et moins cher plutôt qu’un appareil neuf vendu à prix prohibitif, et tout simplement ne pas acheter un vêtement dont on n’a pas besoin…

– Sitôt la campagne lancée, le 21 novembre, la CPME et l’Alliance du commerce dénoncent une « campagne inacceptable  » , hurlent à « l’apologie de la décroissance » à l’approche des fêtes de fin d’année et en pleine fièvre consumériste du Black Friday.

Le 23 novembre, le ministre de l’économie Bruno Le Maire rejoint le cortège des lobbys protestataires et affirme publiquement que la campagne de l’Ademe est « maladroite  » . Puis Matignon fait savoir qu’un des spots de l’Ademe serait retiré, précisément celui qui s’attaque à la fast-fashion ne conseille pas d’alternative autre que de tout simplement rien acheter !

Cette censure serait honteuse. D’abord parce que l’Ademe est un service public de l’État, qui a un rôle d’intérêt public et ne fait que son travail lorsqu’elle mène une action de sensibilisation pour la sobriété et contre la surconsommation. Imagine-t-on la délégation interministérielle à la sécurité routière retirer une campagne de sensibilisation aux comportements dangereux sur la route dès qu’il y aurait la moindre protestation du lobby de la vitesse automobile ?

Ensuite parce que, oui, il est temps d’agir contre le poison de la surconsommation. Comme l’a souligné Delphine Batho sur RMC, il ne s’agit, avec cette campagne, que du service minimum de l’action écologique, c’est-à-dire d’une simple action de sensibilisation. Elle représente une toute petite campagne de communication au milieu d’un déluge de publicités consuméristes pour le Black Friday.

La cible du spot incriminé, la fast-fashion, est une catastrophe écologique. La production de textile à bas coût dans des pays lointains est synonyme de maltraitance des droits humains les plus élémentaires, d’émissions de gaz à effet de serre massives, de sur-consommation d’eau et de toutes les ressources. Ces produits importés sont une tragédie qui tue aussi le commerce de proximité. Cette concurrence déloyale est dénoncée depuis des années par toutes celles et ceux qui travaillent activement à la relocalisation et pour le Made in France. Moins d’achat de fringues jetables, ce sont autant d’économie qui permettent, de temps en temps, de s’équiper d’un vêtement durable, solide, fait en France. Comme le souligne le mouvement Impact France, qui soutient la campagne de l’Ademe, « la surconsommation massive de produits importés à bas coûts, aux impacts sociaux et écologiques catastrophiques, entraîne la fragilisation croissante de notre tissu commercial et industriel. La sobriété est non seulement la condition sine qua non pour atteindre nos objectifs environnementaux, mais aussi une approche de bon sens pour notre économie et nos commerçants  » .

En n’assumant pas la décroissance, le gouvernement se retrouve pris au piège de sa propre logique productiviste. La campagne de l’Ademe est en totale contradiction avec les orientations gouvernementales qui fait soir et matin du « décroissance-bashing ». Est ainsi apportée la preuve qu’il n’est pas possible de promouvoir la sobriété, en défendant pas une indispensable décroissance !

Génération Écologie invite à la diffusion massive du spot qui risque la censure !


Actualisation : Face aux nombreuses réactions (dont la nôtre), Matignon et Bercy ont finalement renoncé le 22 novembre au soir à censurer le spot de l’Ademe : https://t.co/tPWhQQKqdD

Cécile Faure