VIVRE AUTREMENT !

18 décembre 2023

La 14ème convention nationale de Génération Écologie a adopté, le 16 décembre 2023, le texte d’orientation VIVRE AUTREMENT ! qui définit les objectifs et le programme de travail du mouvement pour la période politique à venir. Pour plus de facilité de lecture, vous pouvez télécharger ce texte au format .pdf ici.

« Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs »
Nelson Mandela

Pour soulever des montagnes, l’espoir est plus puissant que la peur. Génération Écologie doit ouvrir une nouvelle perspective en renversant l’approche des réponses à l’état d’urgence écologique qui ont prévalu jusqu’ici. 

En cette fin 2023, le constat est implacable : la trajectoire d’effondrements qui met en péril le vivant sur Terre s’accélère de façon vertigineuse, l’écologie politique régresse et le basculement dans la barbarie menace. La multiplication des catastrophes climatiques, les alertes sur les risques existentiels pour l’humanité et sur les enjeux vitaux, l’éco-anxiété généralisée, ne provoquent pas de sursaut politique, bien au contraire. Nos sociétés s’enfoncent dans la dégradation des conditions de vie, la paupérisation, les tensions géopolitiques et la montée des totalitarismes. C’est pourquoi les fondements scientifiques du projet inscrit dans notre déclaration de principes et dans la motion d’orientation adoptée en 2018, qui gardent toute leur pertinence, ne suffisent plus. Notre mouvement doit grandir et élargir ses horizons, apporter des réponses politiques nouvelles à la hauteur des risques pour la République et au plus près des aspirations de la société et des besoins concrets de la population. Nous voulons faire de la décroissance une alternative émancipatrice positive pour permettre à toutes et tous de sortir du mal vivre social, culturel et psychologique et assurer notre résilience collective. 

Notre tâche est de permettre l’émergence d’ici 2027 d’une nouvelle espérance politique en France, radicale, crédible et enthousiasmante. Comme nous le redoutions, les paramètres de l’état de la planète et de la situation politique sont en train de changer. Génération Écologie doit changer et être le parti de la rupture avec le défaitisme ambiant. Vivre autrement est possible.

UN PROGRAMME DE GOUVERNEMENT POUR LA DÉCROISSANCE ET LA RÉSILIENCE

De tout temps, la lutte pour l’émancipation a impliqué la remise en cause d’un prétendu “ordre naturel” : la loi du fort sur le faible, la loi d’un dieu sur la cité, la loi d’un roi sur les sujets, la loi des patrons sur les prolétaires, la loi du marché sur les biens communs, la loi des hommes sur les femmes… Ces oppressions, et les logiques de domination et d’appropriation qui sont à leur racine commune, n’ont pas disparu. Aujourd’hui, l’ordre prétendu naturel à abattre, qui les concentre toutes, porte un nom : l’obsession pour la croissance économique et l’accumulation prédatrice des possessions. Son imaginaire s’est substitué depuis des décennies au partage des richesses existantes. Il est profondément enkysté dans les esprits et dispose de puissants moyens de propagande. Plus aucun compromis n’est possible avec le dogme de la croissance. 

Génération Écologie est le parti de la décroissance. Notre but est celui d’une civilisation harmonieuse qui respecte les limites physiques de la planète en garantissant à chacune et chacun une vie digne, sûre et heureuse, c’est-à-dire la satisfaction des besoins essentiels. Notre mouvement fait de la décroissance et du bien-vivre le nouveau projet commun et son étendard. Pour nous, le combat ne se résume pas à la planification d’une décarbonation et d’illusoires conversions technologiques futures. Il embrasse toutes les dimensions socio-économiques, démocratiques, émotionnelles et culturelles des enjeux de l’Anthropocène. Il vise à assurer la résilience de notre pays face à l’effondrement vertigineux du vivant et au chaos climatique. Il reconnaît comme centrale la préservation de la diversité biologique et la régénération des écosystèmes terrestres et marins. 

L’écologie politique a été utile. Elle a œuvré à une indispensable prise de conscience dans la société. Mais elle est désormais dépassée par la gravité des accélérations en cours qui rendent incontournable la réduction drastique de la consommation d’énergie et de matières premières. Sur le plan matériel, avec la civilisation thermo-industrielle, l’humanité a atteint un stade de dépassement. Le modèle de développement des pays riches a conduit à ce qu’au moins six des neuf limites planétaires, qui définissent les conditions d’habitabilité de la Terre, aient d’ores et déjà été largement franchies. La paix et notre sécurité collective dépendent désormais de la réduction de notre empreinte écologique. Cette situation explique la crise de tous les projets politiques qui restent fondés, explicitement ou implicitement, sur la croissance. Ils sont caducs. Le seul horizon viable est celui d’une reconfiguration générale et radicale des modes de vie associés aux énergies fossiles pour atteindre un état d’équilibre du vivant, assurant la sécurité et le bien-être de toutes et tous.

Construire une majorité sociale, culturelle et démocratique pour la décroissance passe par un programme de transition entre le système productiviste, consumériste et de profitation actuel et le nouvel ordre écologique, social et économique que nous voulons bâtir. Génération Écologie assume l’ambition de vouloir gouverner et appelle à rompre avec une conception de l’écologie politique sur la défensive, s’auto-limitant à l’horizon d’un contre-pouvoir. 

Pour les trois années qui viennent, notre objectif est d’élaborer le programme de gouvernement pour Vivre autrement. Il est une réponse à l’état de conscience de la population. Il vise à rendre plus concret, plus crédible et plus souhaité, le chemin de la décroissance. 

Ce programme s’appuie sur la force des aspirations sous-jacentes exprimées lors de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites : avoir du temps pour vivre, ralentir, avoir un travail qui a du sens, s’épanouir par les liens humains, se réaliser dans une multitude d’activités physiques, manuelles, intellectuelles et vivre en harmonie avec le vivant. Toutes ces attentes illustrent l’énorme potentiel existant pour faire progresser la conscience de l’oppression par le système de la croissance. Nous devons les transformer en revendications concrètes pour faire de la décroissance un mouvement conscient d’émancipation sociale et culturelle, en particulier des catégories sociales les plus exploitées. Pour se soustraire à leurs responsabilités, les gouvernements successifs leur font porter le fardeau de changer leurs comportements individuels, là où toutes et tous subissent et sont enfermés dans des modes de vie toxiques. Reprendre la maîtrise des conditions de vie passe par le combat pour le temps libéré et pour un nouvel équilibre entre vie personnelle et professionnelle permettant d’avoir le temps de vivre. Il implique une pleine reconnaissance du travail, de la démocratie dans l’entreprise et de l’amélioration des conditions de travail, de la valorisation des métiers essentiels et des activités non marchandes, ainsi que le partage des tâches domestiques, mais aussi le combat contre la profitation, c’est-à-dire contre la vie chère, et la conquête décisive de la santé environnementale. Ces enjeux sont prioritaires pour nos travaux programmatiques.

La protection des citoyennes et citoyens et la sécurité nationale, au sens physique du terme, sont des droits fondamentaux au centre de notre projet. La dimension régalienne de notre vision est la condition du sérieux et de la crédibilité des écologistes. Face à l’échec des gouvernements à respecter l’accord de Paris et à endiguer l’effondrement de la biodiversité, l’anticipation des futures conditions d’habitabilité de la planète et des territoires s’impose. Elle doit avoir lieu à toutes les échelles, mondiale, européenne, de l’État et surtout locale, pour organiser la résilience et vivre mieux au quotidien. Elle s’organise autour de la sécurité alimentaire, d’un accès équitable à l’eau, de la régénération du vivant, de la sécurité civile, de la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers, de l’adaptation de toutes les infrastructures et d’un aménagement du territoire réduisant les dépendances et favorisant l’autonomie. Elle implique une forte réduction des inégalités qui minent le pacte républicain, notamment par la justice climatique au travers du plafonnement de l’empreinte carbone. Pour nous, un programme de résilience ne se conçoit pas seulement sur le plan matériel, mais aussi et surtout sur le plan social. La vie collective est en jeu. Vivre unis, faire face les unes et les uns avec les autres, et non chacune ou chacun pour soi contre les autres, l’émancipation des femmes, l’entraide citoyenne, la coopération et le partage ainsi que le service public, sont les seuls remèdes pour éviter la barbarie. Les fronts de guerre se multiplient dans le monde. Les reculs de la démocratie et l’expansionnisme des régimes autocratiques constituent une menace immédiate. À l’heure où la communauté nationale est minée par les inégalités, fragilisée par l’affaiblissement de l’État et des grands services publics, fracturée par le “tout-numérique” et les bulles informationnelles, mais aussi par les tentations complotistes et totalitaires, climato-obscurantistes, sexistes, racistes, antisémites, nous défendons une nouvelle étape de l’histoire de la République et du combat pour l’égalité. Fidèle à ses valeurs écoféministes et laïques, Génération Écologie entend donner un nouvel élan à l’idéal républicain autour du partage et de la gestion démocratique des biens communs et une dimension internationaliste et géopolitique à ce combat. 

UNE STRATÉGIE BASÉE SUR L’ÉDUCATION POPULAIRE, LA NON-VIOLENCE ET LA PERSPECTIVE DE NOUVELLES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES 

Toute notre stratégie doit avoir pour ambition de toucher et de convaincre les personnes qui ne pensent pas comme nous. Après avoir été l’expression politique de l’écologie scientifique, Génération Écologie doit maintenant s’adresser au plus grand nombre pour construire un bloc majoritaire en faveur de la transformation écologique, sociale et démocratique de la France, clairement en rupture avec la croissance, ancré dans les valeurs républicaines et portant l’abolition du présidentialisme. Nous revendiquons une stratégie démocratique basée sur le mouvement de masse d’une société mobilisée. La non-violence occupe une place centrale sur le fond de notre projet, comme dans la stratégie pour élargir nos bases sociales. 

L’objectif d’élargissement nécessite de mettre en œuvre dans la construction du projet tous les enseignements de l’analyse de l’échec des écologistes à la présidentielle de 2022, sur le fond comme sur la méthode. Il s’agit aussi de tirer les leçons de l’impasse des discours actuels, entre déclarations à l’emporte-pièce contre-productives, limites clairement établies de raisonnements technocratiques désincarnés, absence d’implantation dans des secteurs entiers de la société, ignorance des forces et relais que constituent les entrepreneuses et entrepreneurs bifurqueurs, violences totalement contre-productives pour les luttes et contraires aux principes de la désobéissance civile. Le résultat est une marginalisation de l’écologie politique face à un pouvoir qui en prend prétexte pour accélérer la destruction. Une autre voie est possible pour transformer l’éco-anxiété en action efficace : mettre les énergies et les colères en mouvement par la force des émotions positives

L’éducation populaire, la culture, le sensible, la convivialité, ne sont pas un supplément d’âme pour le combat écologiste mais une dimension essentielle de la bataille culturelle pour la décroissance. Il en va de même de toutes les activités manuelles qui rendent autonome, de la pleine santé par toute une série de pratiques et notamment le sport. C’est le chemin pour donner envie, diffuser les idées, partager les alternatives qui permettent déjà de vivre autrement et faire bouger les lignes. La réussite de la première édition de Décroissance le festival appelle des prolongements et à multiplier les initiatives. 

En France, l’abolition du présidentialisme et la perspective de nouvelles institutions démocratiques sont la pierre angulaire du changement pour sortir du système de la croissance, lever une nouvelle espérance et battre l’extrême-droite. Le régime actuel contient dans son ADN les causes de l’effondrement démocratique constaté avec le tripartisme Macron – Le Pen – Mélenchon. Pour Génération Écologie, la rupture avec le présidentialisme est une clef de voûte à la fois programmatique et stratégique. L’intersyndicale sur les retraites a illustré les potentialités mobilisatrices du collectif. À l’inverse, le présidentialisme a produit une dérive politique enlisant toute capacité dans l’action collective sous le mot d’ordre de “vote utile”, qui est un vote confisqué. 

C’est pourquoi pour la période et les échéances électorales à venir, Génération Écologie réaffirme l’autonomie de son projet politique et conditionnera toute alliance tactique à sa cohérence avec la stratégie ici exposée. 

FAIRE DE GÉNÉRATION ÉCOLOGIE LE PREMIER PARTI ÉCOLOGISTE DE FRANCE 

Notre mouvement est solide, construit autour d’une pensée cohérente, fort de la diversité de ses adhérentes et adhérents et de son expérience. Il nous faut à présent atteindre la taille critique pour peser bien davantage. Il s’agit de devenir le premier mouvement politique écologiste citoyen de France, incarnant un nouveau rôle des partis. Nous voulons mieux répondre aux attentes des membres de Génération Écologie, impliquer la jeunesse ainsi que les citoyennes et citoyens engagés dans la décroissance qui explorent déjà de nouvelles manières de penser et d’agir collectivement, pour toucher toutes les catégories sociales et toutes celles et ceux qui aspirent tout simplement à vivre autrement. Nos ressources humaines et financières étant contraintes, notre programme de travail, outre les décisions que prendra la convention nationale concernant les élections européennes du printemps 2024, doit être clair, éviter la dispersion, viser l’efficacité en se concentrant sur des priorités fortes :

1. La refonte de notre communication et du parcours d’engagement : 

  • Renouvellement complet des outils de communication externes et internes ;
  • Culture de l’accueil et de l’écoute pour valoriser tout le potentiel des bénévoles en fonction de leurs envies et possibilités d’engagement ; 
  • Développement de l’animation territoriale et des groupes locaux autour de la construction du projet et d’outils d’éducation populaire conviviaux ;

2. La “Municipales Académie” avec pour horizon 2026 :

  • Soutien et accompagnement des collectifs éco-citoyens préparant les municipales pour un printemps des territoires engagés dans des démarches de décroissance. Il s’agit à nos yeux d’une échéance capitale. Elle se prépare maintenant.  

3. L’élaboration du programme VIVRE AUTREMENT ! :

  • Convention nationale sur le socle du projet fin 2024
  • Conventions thématiques en 2025
  • La méthode de travail sur le projet impliquant les commissions et les groupes locaux, ainsi que son ouverture aux forces vives de la société civile, fera l’objet d’une délibération de la convention nationale.

4. La formation politique théorique et pratique :

  • Installation d’un rendez-vous mensuel de formation des responsables du mouvement, ouvert aux adhérentes et adhérents.

5. L’émergence de nouveaux visages et d’une collégialité dans l’animation du mouvement :

  • Pour être plus fort, notre parti doit désormais être incarné vis-à-vis de l’extérieur par plusieurs visages identifiés. À toutes les échelles, la collégialité de notre gouvernance doit être renforcée pour élargir le mouvement.