11 janvier 2024
Début novembre, fin décembre, début janvier ont marqué la répétition d’inondations d’une ampleur inédite dans le Pas-de-Calais. Il s’agit d’une catastrophe nationale face à laquelle le gouvernement semble pris au dépourvu et peine à proposer un plan d’action clair et à la hauteur de la tragédie pour les habitantes et habitants.
Gonflés par des épisodes pluvieux intenses et répétés, les cours d’eau sont sortis de leur lit de manière brusque et anarchique, ont débordé rapidement les ouvrages insuffisamment calibrés pour les canaliser, et ont rencontré des terres devenues hermétiques par les sécheresses passées. L’eau ni absorbée ni canalisée a déferlé brutalement là où elle trouvait un chemin – déferlement facilité par l’artificialisation des sols de ces dernières décennies – inondant les habitations et saccageant les intérieurs des maisons, à plusieurs reprises en quelques semaines.
Pour les habitantes et les habitants du Pas-de-Calais, les effets du réchauffement climatique ont pris brutalement corps. En une nuit ils sont devenus migrantes et migrants climatiques.
L’heure n’est certes pas aux règlements de compte, mais à une meilleure gestion possible de la crise, ce à quoi s’emploient la plupart des actrices et des acteurs locaux devant l’ampleur du désastre. La question fondamentale réside dans le devenir de ces territoires vulnérables, sujets à une répétition d’événements climatiques intenses. Car ceux-ci étaient hélas prévisibles.
La solution viendra d’un changement de paradigme sur la manière d’habiter les territoires et de se comporter vis-à-vis des écosystèmes.
Au regard des conséquences du réchauffement climatique et de l’activité humaine, les décideurs locaux doivent arrêter les projets d’extension de zones d’activité qui fleurissent sur la communauté d’agglomération, notamment les 19 ha de la zone d’activité du Fond Squin dont l’usage actuel est encore agricole. Ils doivent aussi stopper l’étalement urbain dans le strict respect de la loi ZAN (zéro artificialisation nette).
Les agriculteurs et leurs différentes chambres de pouvoir, doivent réformer de manière significative cette agriculture intensive qui a supprimé les haies pour gagner de la surface agricole utile, usé d’engrais et autres intrants appauvrissant l’humus des sols et leur capacité d’absorption, et tassé la terre sous l’effet du passage d’engins de plus en plus lourds.
Ces événements dans le Pas-de-Calais sont le fruit du réchauffement climatique, de l’artificialisation massive des sols, donc de l’activité humaine. Nous pouvons organiser notre résilience face au changement climatique si nous changeons de politique d’aménagement du territoire, si nous cessons de loger les catégories populaires en zone inondable, et bien sûr si nous arrêtons d’émettre du CO2 dans l’atmosphère. Cette politique, ce changement de comportement, c’est la décroissance.
Or repenser l’organisation du territoire à l’aune de la décroissance invite à la lucidité, au courage et au renoncement :
- La lucidité des constats et des diagnostics à opérer pour une nouvelle cartographie des risques.
- Le courage de déclarer des zones inhabitables en dépit des conséquences douloureuses, à savoir le déplacement des habitantes et habitants qui ont tout perdu. C’est le rôle de l’Etat que d’accompagner les familles expropriées. La solidarité nationale doit garantir leur sécurité et leur avenir.
- Le renoncement pour décider de l’arrêt immédiat de tous les projets aggravant l’artificialisation des sols. Il faut aussi renoncer à la fuite en avant dans des nouveaux travaux d’aménagement herculéens qui ne sont pas une solution à moyen et long terme, et renoncer plus largement à un modèle de société consumériste qui miserait sur la seule technologie pour poursuivre un chemin croissantiste délétère qui détériore le climat, au point de générer ces évènements.
Les efforts à consentir ne seront pas les mêmes pour toutes et tous. Aussi la seule voie d’acceptation possible est celle de la participation, de la concertation et de la co-construction, village par village, quartier par quartier.
Les habitants et les habitantes doivent renouer un lien étroit avec la niche écologique que représente leur habitat. Ils peuvent ainsi échanger entre eux et se réapproprier des savoirs vernaculaires que le modèle productiviste n’a eu de cesse d’anéantir.
Ce réancrage et ce retour aux sources n’est pas une régression ni une punition : il place l’être humain dans une position responsable, de compétence et de liens avec les autres.
Le projet de la décroissance est un projet de prévention et de gestion des risques sur le long terme, basé sur l’intelligence collective et une solidarité humaine restaurée. Il est ambitieux par les défis à relever et les changements à opérer mais il est la seule voie possible pour affronter les conséquences du changement climatique.
Hélène Roche, membre du conseil national et référente de Génération Écologie Pas-de-Calais