15 février 2024
Les pesticides sont l’affaire de toutes et tous : si vous ne vous y intéressez pas, les pesticides eux, sans pause, s’intéresseront à vous !
Que les pesticides soient toxiques, personne n’en doute plus : ni vous, ni nous, ni les autorités, ni non plus ceux qui les produisent et les vendent. L’effondrement de la biodiversité, ce monde vivant dont on nous avait garanti qu’il ne serait pas touché vues les faibles doses de pesticides employées, doses supposées inoffensives, éh bien non, cet effondrement est bien là. Il établit sans plus de doute possible que ces doses, loin d’être anodines, ont des effets désastreux. Directement ou indirectement, avec cette imprégnation par trop de pesticides, même s’ils ne sont bien sûr pas seuls en cause, tout ou presque y passe : micro et macro faunes, insectes, oiseaux, poissons. Nos sols, nos ciels, nos eaux se vident ! Et le risque n’est pas si différent pour les humains. Ce n’est sans doute qu’affaire de temps, d’ailleurs cancers et atteintes neurologiques progressent déjà.
L’affolement sur joué face aux tracteurs
Dans ce contexte d’urgence, les dernières annonces du Premier ministre, Gabriel Attal, concernant l’usage des pesticides en France sont consternantes. Par calcul politique médiocre, notre gouvernement semble agir comme un poulet sans tête : un jour un plan, un autre des déclarations apaisantes le lendemain des pauses, un salon de l’agriculture à venir, le toute pour finalement tourner en rond et ne rien faire. Aujourd’hui, se pliant aux volontés de l’agro-industrie et de la FNSEA, il feint l’affolement face aux tracteurs, et entérine un recul de plus de quinze ans dans la volonté de réduire l’usage des pesticides. Ceci placera systématiquement la France en queue du peloton en Europe sur le sujet. En effet il ne s’agira plus que d’entériner d’éventuelles décisions européennes. L’intérêt du plus grand nombre de citoyens, la viabilité à long terme de l’agriculture, celle du monde paysan, celui de la biodiversité et de la santé humaine, passent à la trappe face aux profits à court terme des intérêts économiques d’une minorité.
Pourtant sans les pesticides, tout est possible, il existe des alternatives !
Mais tout d’abord, reconnaissons-le, le gouvernement, la FNSEA et l’agrochimie ont raison sur un point : une fois la terre morte et le monde paysan réduit à peau de chagrin, un monde allant de suicides d’agriculteurs en fermetures de fermes, il n’existe pas d’alternative pour l’agriculture industrielle. En un demi-siècle, elle a détruit nos campagnes pour enrichir un petit nombre d’agro-managers et d’actionnaires des industries agro-chimiques. Elle entraine une partie des agriculteurs dans une course sans espoir vers toujours plus de pesticides, d’intrants chimiques et d’endettements insoutenables. Une agriculture plus punitive, difficile à imaginer !
Pour en sortir, il faut une tout autre trajectoire que celle de ce système mortifère. Les bases d’une telle trajectoire nouvelle, d’un tel tournant ? Il faut changer depuis les approvisionnements agricoles jusqu’à la commercialisation des récoltes, la transformation, la distribution des produits alimentaires et faire évoluer les régimes alimentaires. Il faut commencer par lutter en Europe pour une commercialisation de produits sans pesticides, cela quelle qu’en soit l’origine. Développer la production d’aliments sains incluant moins de produits animaux, moins de sucres et d’huiles, plus de légumes secs et de fruits et légumes. Agir pour des paysages diversifiés permettant d’assurer la santé humaine via une alimentation « propre », une protection de l’environnement, de la faune, et des cultures par l’élargissement de l’habitat de leurs auxiliaires. User de polycultures pour éloigner ou diluer ravageurs et maladies, notamment en multipliant les associations végétales et l’agroforesterie. Enfin il faut diversifier les rotations, la succession des cultures, pour lutter contre les adventices. Une autre trajectoire est ainsi possible, marquée par le respect de la nature et de ses rythmes biologiques, marquée par une décroissance dans la surexploitation tant des sols que du monde animal. Un tel réinvestissement raisonné de nos campagnes, c’est aussi à la clef un nombre très significatif d’emplois autour de l’agriculture dans les campagnes … et cela vaut pour toute l’Europe.
Aussi, nous exigeons l’interdiction des pesticides dans le respect de la terre et des paysans qui y travaillent.
Pierre Rustin