24 octobre 2024
Pour Alexandre Florentin, conseiller de Paris Génération Écologie et président de la mission Paris à 50 degrés, un nouveau Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) digne de ce nom devrait être une urgence de sécurité nationale. Attendu depuis la fin 2023, le gouvernement n’a cessé d’en repousser la publication. Comme tant d’autres décisions en matière de planification, le PNACC a été victime du backlash contre l’écologie. Le plan qui sera finalement présenté demain, le 25 octobre, par le Premier ministre Michel Barnier, est déjà victime des coupes budgétaires. Une planification de l’adaptation et de la résilience à la hauteur des risques que nous encourons désormais devrait être multidimensionnelle : normative, territoriale, régalienne, démocratique et politique.
Le climat change et les impacts sont de plus en plus difficiles à gérer, menaçant notre sécurité nationale. À mesure que se multiplient et s’amplifient canicules, inondations, incendies ou sécheresses partout sur le territoire national et au-delà, les dégâts augmentent pour nos infrastructures et nos maisons, notre agriculture, notre économie, nos écosystèmes, notre santé. Partout en France, nos concitoyennes et concitoyens voient se rapprocher l’ingérable. Dans les Pyrénées-Orientales, on craint que l’eau ne coule plus au robinet. Dans le Nord ou en Ardèche, on se demande après les inondations si ça tiendra la prochaine fois, ou s’il ne faut pas partir. À l’école ou à l’hôpital, on redoute les prochaines canicules.
En montagne, des villages sont rayés de la carte par des « laves torrentielles » ou des éboulements liés à la fonte du permafrost. Les agriculteurs, eux, se demandent ce qui poussera dans les prochains mois. Les pompiers se demandent jusqu’à quand ils pourront faire face à la multiplication des incendies.
Nous approchons du moment où nos systèmes de gestion et de partage des risques vont être inopérants, tant ils ont été pensés pour un climat qui n’existe déjà plus. Que faire ? Le gouvernement doit enfin rendre public un nouveau plan national d’adaptation au changement climatique. Que devrait-il contenir pour être à la hauteur ?
Une dimension normative
Un frigo vendu en France métropolitaine n’est pas identique à un frigo vendu dans un pays tropical. Tous les systèmes techniques autour de nous, tous nos bâtiments, nos infrastructures, nos réseaux, etc sont conçus pour fonctionner selon un certain climat. Un climat qui change implique donc de changer nos normes, pour prendre en compte le climat futur.
Une dimension territoriale
Si la France est un des plus beaux pays du monde, c’est parce qu’elle regorge de paysages et de climats très différents sur une petite surface. Les réponses à apporter aux stations de ski sans neige ne seront pas les mêmes que pour les villages côtiers voyant la mer avancer. Le risque de mégafeux en Gironde ne se traite pas de la même manière que les mégacyclones à la Réunion ou les maisons victimes des retraits gonflements des argiles en métropole. Si le gouvernement doit orchestrer la mise en œuvre sans attendre de thématiques nationales, il doit aussi articuler la territorialisation des réponses et soutenir les territoires dans leurs démarches.
Une dimension régalienne
Ce serait une grave erreur de croire qu’une politique d’adaptation concerne uniquement le ministère de l’écologie. Toutes les dimensions de la vie en société sont impactées, à commencer par notre sécurité physique et notre sécurité alimentaire.
Un climat qui change entraîne plus de risques de conflits, notamment liés à l’usage de l’eau. Les préfets ont de plus en plus d’inondations à gérer, mais quelle politique d’aménagement leurs demandent-on de faire respecter ? La protection civile et les pompiers font face à de plus en plus de catastrophes, mais que fait le ministère de l’intérieur ? Un climat qui change rend le monde non-assurable et va affecter des pans entiers du tissu économique, mais quelles réformes sont proposées par le ministère de l’économie et des finances ?
Et ces questions s’étendent à l’infini ! Certains architectes des Bâtiments de France s’opposent à toute adaptation des villes patrimoniales pour des raisons esthétiques, mais qu’en pense le ministère de la culture dont ils dépendent ? Les agriculteurs subissent fortes pluies et sécheresses de plein fouet, mais quelle politique agricole commune est promue par le ministère de l’Agriculture ? Notre société va affronter de nouvelles maladies, mais que prépare le ministère de la Santé ? Et comment le ministère de l’Éducation nationale prépare nos enfants à un monde moins stable ?
Une mobilisation générale et un effort de transformation sans précédent des politiques publiques sont nécessaires pour faire face au changement climatique. Les coupes budgétaires annoncées par le gouvernement vont dans la direction inverse. Ainsi tandis que le PNACC sera présenté par le Premier ministre, l’austérité frappe le fonds vert qui permettait d’aider les collectivités territoriales à investir, le dispositif MaPrimRénov’ destiné à soutenir l’isolation et l’adaptation des logements aux vagues de chaleur, et même la plantation de haies qui voit ses crédits amputés de 72% alors que les haies contribuent à lutter contre la sécheresse et les inondations et à la préservation des écosystèmes. Pire, le gouvernement a décidé que le relèvement de la surprime CatNat sur les contrats d’assurance (qui passe de 25 à 40 euros environ) ne financera pas le fonds Barnier, mais le budget général de l’État !
Une dimension démocratique
Les travaux politiques les plus avancés sur l’adaptation au changement climatique, comme ceux de la mission transpartisane Paris à 50°C, montrent qu’il est irréaliste, voire dangereux, de vouloir maintenir notre fonctionnement sociétal actuel dans un autre climat. Irréaliste, non pas parce que ça ne serait pas techniquement possible, mais parce que nous n’avons ni le temps, ni l’argent, ni les ressources physiques ou énergétiques pour tout adapter à n’importe quel scénario climatique. Dangereux, parce que selon l’adage, “qui trop embrasse mal étreint”.
Dès lors que nous savons que nous ne sommes pas en capacité de tout adapter, deux questions émergent pour nous aiguiller : de quoi avons-nous besoin pour vivre ensemble ? Et que voulons-nous transmettre aux générations futures ? Ces questions, nous devons y répondre collectivement et démocratiquement. L’Assemblée nationale, les consultations citoyennes, les délibérations locales : tout l’arsenal démocratique a son rôle à jouer.
Une dimension politique
Aucune société humaine n’a eu à s’adapter à un changement de son environnement de cette ampleur, à cette échelle et à cette vitesse. Puisque c’est l’habitabilité même de nos territoires qui est remise en cause, c’est notre sécurité collective qui est menacée. Un changement de cet ampleur va secouer notre République dans ses fondamentaux. C’est par la cohésion nationale et la coopération au-delà de nos frontières que nous surmonterons cette épreuve.
Et si demain être français consistait à donner une partie de son temps pour collectivement aider les agriculteurs à planter des haies, pour entretenir nos forêts, pour aider nos aînés pendant les canicules ?
A contrario, les chimères de la sur-consommation et la pression au toujours plus créent ébranlent la cohésion sociale, entretiennent la méfiance vis-à-vis de l’autre, assèchent notre humanité. Face au péril climatique, face à la dégradation généralisée des conditions d’une bonne vie sur Terre, sortons de cet état par un élan collectif renouvelé.
Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique digne de ce nom devrait apporter des réponses et tracer un chemin.
Alexandre FLORENTIN