19 novembre 2024
Un récent rapport parlementaire met en avant les avantages de la semaine de 4 jours pour les salariés et les employeurs. Décryptage.
Si le sujet de la semaine de 4 jours prend désormais beaucoup la lumière (et bien au-delà de nos frontières), le débat n’est pas récent et faisait déjà l’objet d’échanges dans les années 90 avec la loi de Robien sur l’aménagement du temps de travail (Juin 96 – Juin 98). Au sein de Génération Écologie également, Guy Aznar, auteur de l’ouvrage Le travail c’est fini (à plein temps, toute la vie, pour tout le monde) et c’est une bonne nouvelle ! s’en faisait le promoteur dès 1991. Raccourcir le temps de travail est plus que jamais d’actualité avec l’explosion du mal-travail et des burn-out. L’aspiration à travailler mieux et moins, à avoir du temps pour soi et du temps pour vivre, a été renforcée depuis la pandémie de Covid. Elle s’inscrit dans le prolongement des étapes historiques précédentes, arrachées par les luttes sociales pour le droit aux congés payés et la limitation du temps de travail.
Le succès rencontré par le roman d’Hadrien Klent Paresse pour tous l’illustre également. Dans cette joyeuse fiction, un prix Nobel d’économie fait campagne pour l’élection présidentielle avec comme mesure phare la semaine de 15 heures. Ce récit nourrit le questionnement sur notre rapport au temps et au travail, et l’envie d’un changement sociétal profond. Dans un autre registre, celui d’un essai intitulé Le temps libéré – Propositions pour une révolution écologique et culturelle, Paul Montjotin et Charles Adrianssens déploient tous les arguments qui plaident pour une nouvelle étape de réduction du temps de travail. De fait, 65% des Françaises et des Français estiment manquer de temps et 63% sont favorables à la semaine de 4 jours, conçue non pas comme une politique de l’emploi et de la croissance, mais comme une politique d’engagement et de bien-être au travail.
Avec le projet VIVRE AUTREMENT !, Génération Écologie veut construire un programme émancipateur. Avoir du temps pour vivre, ralentir, avoir un travail qui a du sens, profiter de ses proches et s’épanouir à travers les liens humains, se réaliser dans une multitude d’activités physiques, manuelles, intellectuelles et vivre en harmonie avec le vivant. Ces aspirations sous-jacentes se sont fortement exprimées lors de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites.
Le rapport d’information sur la semaine de 4 jours, porté par deux députés LR et Horizons, peu suspects d’être orientés vers la décroissance, a le mérite de confirmer la légitimité du débat sur la semaine de 4 jours. Mais il plaide pour la semaine en 4 jours, qui implique une intensification du travail. En effet, il faut distinguer deux visions :
- la semaine en 4 jours (35 à 39h en 4 jours)
- la semaine de 4 jours (32h en 4 jours).
Selon le rapport parlementaires, ces deux approches ont le mérite de participer à réduire le stress, le taux d’absentéisme et de démissions et sont source d’attractivité pour les personnes salariées. Elles sont pourtant bien différentes : la première propose une intensification du temps de travail, la seconde sa réduction.
Le rapport indique que la semaine en 4 jours correspondrait au rythme de travail idéal pour 26% des personnes interrogées, hommes et femmes confondues, tandis que 77% se positionnent pour l’instauration de la semaine de 4 jours.
Il précise aussi que le cadre légal permet aujourd’hui la mise en place de la semaine de 4 jours dans tout type d’organisations. Il ne recommande pas une loi de généralisation de son déploiement, en revanche de petits ajouts au droit du travail pourraient améliorer la lisibilité de la législation sur cette question.
Le rapport recommande un processus complet pour la mise en place de la semaine en/de 4 jours dans les organisations : définir la structure et les objectifs de cette réorganisation, évaluer son acceptabilité, conclure des accords collectifs et adaptables dans le temps, et en évaluer les effets.
Ce qu’on peut en retenir :
La semaine de ou en 4 jours comporte de nombreux avantages pour les entreprises comme les personnes salariées : une meilleure santé au travail, plus de plaisir au travail et une meilleure qualité du travail effectué. Il y a donc lieu de démystifier les croyances selon lesquelles le volume horaire serait le facteur principal de la productivité au travail.
Pour ne citer qu’elles, les expérimentations réalisées dans 40 entreprises allemandes montrent des effets si positifs que seulement 27% des entreprises testées sont revenues à l’ancien modèle. En effet, il a été noté que la semaine de 4 jours réduit nettement l’anxiété, la fatigue et la tension mais aussi les insomnies, la dépression et le sentiment d’isolement. Elles démontrent également que ce rythme horaire ne diminue pas la productivité globale des salariés. Par ailleurs, un effet bénéfique supplémentaire constaté est la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes : un rééquilibrage du temps de travail et de la rémunération apparaît naturellement, les femmes étant plus souvent à temps partiel que les hommes car elles assument la majeure partie du travail domestique par ailleurs. La semaine de 4 jours serait également bénéfique pour l’environnement : limitation de la consommation énergétique des entreprises, diminution des transports… Enfin à l’échelle de nos sociétés, elle faciliterait la progression de l’engagement associatif des citoyennes et des citoyens.
Les syndicats s’inquiètent à juste titre de la trop facile confusion entre la semaine en 4 jours, qui conduit à intensifier le rythme de travail comme le souligne la CGT, et la semaine de 4 jours c’est-à-dire la semaine 32h sans perte de salaire que défend le Printemps écologique.
Les approches libérales et décroissantes diffèrent : travailler autant mais plus intensément, ou travailler moins mais mieux. Cette opposition théorique et idéologique a bien entendu des implications concrètes et pratiques :
- L’échec de l’expérimentation de la semaine en 4 jours menée à l’Urssaf Picardie démontre la nécessité de porter une attention particulière à la répartition des heures travaillées afin qu’elles restent compatibles avec une vie familiale.
- La semaine de 4 jours (32h) s’avère quant à elle favorable notamment à l’amélioration de l’égalité professionnelle.
Le rapport présenté à l’Assemblée nationale relève aussi qu’il y a une augmentation du nombre d’accords collectifs prévoyant une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de 5 jours. Ils sont aussi perçus comme des outils de dialogue social au sein de plus petites entreprises, aujourd’hui non concernées par de tels accords collectifs faute de représentation syndicale à la table des négociations.
La semaine de travail sur 4 jours, pour qui ?
Loin du cliché d’une semaine de 4 jours qui ne concernerait potentiellement que le secteur tertiaire et les services, le terrain montre une autre réalité. Des exemples l’illustrent dans le BTP, l’artisanat, l’industrie.
Comme cette boulangerie du Tarn-et-Garonne qui ouvre la voie en privilégiant le BIB (Bonheur Intérieur Brut) au PIB. Dans son entreprise, depuis 2004, ce sont 30 salariés qui travaillent 4 jours par semaine pour un salaire entre 2 000 et 3 000 € et 7 à 13 semaines de congés payés. Autonomie et bien-être au travail sont la priorité. Résultat, les salariés se sentent plus investis et concernés par l’avenir de la structure.
Ainsi, si le télétravail s’adresse à une frange limitée des personnes actives, ce n’est pas le cas de la semaine de 4 jours qui peut se généraliser à tout type de métier, en particulier les plus pénibles.
Vers une ère du temps libéré ?
Mais au-delà des chiffres, si notre époque s’avère bousculée de toutes parts, si une certaine morosité s’est installée dans notre si beau pays, force est de constater que notre société évolue et ses attentes également. Aussi, je me réjouis que ce sujet prenne ainsi la lumière.
Imaginez cette France changeante et apaisée.
Imaginez toute cette créativité libérée …
Imaginez encore et encore …
Loin de ces trente glorieuses dépassées vers lesquelles notre pays regarde encore trop, loin de cette croissance après laquelle nous courrons obstinément comme une fuite en avant, cette France de demain voit doucement se dresser le chemin d’une perspective, d’un autre rapport au temps, d’un meilleur équilibre de vie. Nos enfants nommeront-ils ce temps à venir les « trente heureuses » ?
Et si vous aussi, voulez participer à imaginer ce VIVRE AUTREMENT !, la première étape est lancée au travers d’un questionnaire dont l’objectif est de comprendre les attentes des citoyennes et citoyens :
Damien Ladan