Fos-Berre-Provence : il n’y aura pas de décarbonation sans sobriété

30 avril 2025

Génération Écologie Bouches-du-Rhône se mobilise contre la multiplication des projets industriels dans la zone de Fos-Berre-Provence. Dans cette Zone Industrielle dense (la 2eme plus émettrice de CO2 en France), pas moins de cinquante projets sont envisagés pour répondre aux objectifs fixés par le projet France 2030 – décarbonons l’industrie.

Après avoir organisé, comme cela se fait habituellement, des concertations par projet, et après que les effets collatéraux et le caractère interdépendant de ces projets n’aient été identifiés, une concertation globale sur l’ensemble des projets du territoire a été organisée par la Commission Nationale du Débat Publique, sous l’égide du Préfet de Région. Cette analyse globale d’un territoire et de son développement industriel est une première en France. 

Pour Génération Ecologie Bouches-du-Rhône, au-delà du SCOT de la Métropole Aix- Marseille, des projets du département ou de la région, ce débat public est primordial pour partager et tracer l’avenir de l’aménagement du territoire. Ce débat pourrait permettre d’organiser la résilience du territoire face aux changements climatiques. C’est une occasion pour fédérer les collectivités locales autour d’une vision partagée et non partisane. 

Génération Écologie Bouches-du-Rhône remercie la Commission Nationale du Débat Public, menacée par ailleurs de disparaitre, d’avoir fait émerger cette approche territoriale et globale du fait des effets cumulés, induits et collatéraux de chacun de ces projets.  

Le pourtour de l’Étang de Berre, et au-delà les Bouches-du-Rhône, ont certes bénéficié des conséquences économiques du déploiement de l’industrie lourde, mais ont été aussi sacrifiés par l’État au prétexte du redressement de la France, sans vraiment assumer les conséquences douloureuses pour l’ensemble de ce territoire sur l’eau, l’air, la mobilité, la ruralité, l’habitat et les services publics, l’environnement, la santé publique, le tourisme, le bien-vivre. L’actualité nous rappelle à l’ordre (ArcelorMittal). 

50 projets industriels sur un même territoire, plus de 20 Md€ de financement dont une partie public… La feuille de route de l’État est en fait un sens unique vers la concentration industrielle, vers la réindustrialisation à marche forcée, et la décarbonation de l’existant. Mais cette route ne prend pas les bons chemins :

  • la neutralité carbone en 2050 ne pourra être atteinte sans la sobriété et la maitrise de nos usages, pourtant rien ne vient créditer cette obligation de sobriété, loin s’en faut ;
  • ce qui est vanté ici, c’est la « Revolution industrielle verte » : or il n’y a pas de révolution industrielle verte. Il s’agit d’une réindustrialisation massive, qui se veut certes durable, mais qui n’engage en rien un changement de stratégie économique et industrielle. 

Pour décarboner l’industrie locale, il est envisagé de construire des usines de dépollution et des usines permettant de produire une matière première moins émettrice de CO2 comme de l’acier décarboné ou de l’hydrogène. Ainsi, l’objectif de décarbonation passe par la construction de nouveaux sites de production. On concentre encore l’industrie sur un même territoire, on augmente le risque en construisant de nouveaux sites Seveso, et l’on cherche de nouveaux espaces à artificialiser, au détriment (toujours) de l’environnement, du naturel et de l’humain. 

Noter qu’il y a actuellement 45 sites Seveso seuil haut dans les Bouches-du-Rhône sans compter les futurs sites classés dans le panel des projets déposés. Pour décarboner un site industriel Seveso, il faudra un autre site Seveso. Le risque s’ajoute au risque, c’est une course sans fin.

La notion même de « compétitivité du département » telle qu’évoquée dans les attendus du débat illustre bien le fait que nous sommes toujours dans la course à la productivité. Mais quelle définition peut-on donner d’un département compétitif ? décarboner l’existant ? ajouter de l’industrie à l’industrie ? ou bien s’engager clairement contre le changement climatique et apprendre à s’y adapter ? 

Le fait est que les consommations d’hydrogène, d’eau et d’électricité vont à minima doubler. Ce n’est pas une politique de sobriété mais bien vers une augmentation historique de nos besoins en énergies, fussent-elles décarbonées. Les besoins en électricité de toute la région PACA vont ainsi plus que doubler du seul fait de la réindustrialisation. Nous passons d’une dépendance à l’autre !  

Sans compter que pour pouvoir communiquer sur une décarbonation du territoire, certaines industries déplacent leurs pollutions d’un département à l’autre, comme par exemple le CO2. La poussière est peu à peu cachée sous le tapis du voisin pourtant elle est bien réelle.

Au sens du code de l’Environnement, la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées et de compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits. Les différentes concertations engagées laissent à penser que l’ambition se résume à la seule compensation des effets sur l’environnement, pas forcément sur la zone impactée, …et reportée à plus tard. 

Nous demandons qu’au titre de cet exercice, un véritable plan « préservation et protection de la biodiversité et espaces naturels » soit engagé au même titre que le plan industriel, avec en particulier la création « d’un parc régional des Étangs du golfe de Fos » pour protéger le vivant.

Au-delà de la problématique industrielle, ce débat est aussi l’occasion de pointer du doigt la problématique de l’aménagement du territoire. Un territoire auquel l’État a tourné le dos depuis des décennies, et où les collectivités territoriales n’ont pas été à la hauteur : aujourd’hui, la deuxième zone industrielle de France n’est desservie que par une simple départementale…

Il est temps aussi de s’interroger sur les mobilités pour les habitantes et les habitants, les salariées et salariés du pourtour de l’Étang de Berre (+ de 200 000 personnes), en développant le transport collectif, sur route ou voie ferrée. Là encore les collectivités territoriales devraient être en première ligne. Et on est loin du compte.

Pour finir, la question de l’emploi doit être regardée avec lucidité, tant sur les emplois réellement créés que sur les emplois réellement détruits. Le miroir aux alouettes qui agite la promesse de 10 000 emplois créés est un leurre. Nous pouvons Vivre Autrement. La réindustrialisation, la décarbonation, la lutte contre le changement climatique, pour nécessaires qu’elles soient, ne doivent pas accroitre nos consommations d’énergie, fussent-elles décarbonées. Il n’y a pas de chemin vers la neutralité carbone sans sobriété. Et le vivant, les espaces naturels, la place des femmes et des hommes, devraient trouver dans ce débat une autre place que celle d’effets collatéraux.

Jean-Marc MAUCHAUFFÉE