Vent de panique parmi les soutiens de la loi Duplomb face au sursaut citoyen

22 juillet 2025

Hier, ils étaient sûrs de leur loi. 1 500 000 signatures plus tard, c’est le vent de panique parmi les promoteurs et défenseurs de la loi Duplomb. Illustration.

Grand classique dès qu’une expression citoyenne libre et forte émerge, perturbe le train-train du monde comme il ne va pas, l’argument de la prétendue “instrumentalisation. C’est ce que croit reconnaître le sénateur Duplomb dans la pétition signée contre sa loi par Dominique de Villepin, Clément Beaune, mais surtout par des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens de toutes opinions. Comme si la spontanéité de l’afflux de signatures était une manœuvre décidée dans les quartiers généraux de partis ! C’est aussi l’argument de la FNSEA selon laquelle ce ne serait qu’une “une pétition orchestrée par les ONG ou certains mouvements écologistes”. Mais les écologistes en seraient-ils seulement capables ? Si nous avons œuvré à la pédagogie sur les dangers de la loi Duplomb, la vérité est triviale : même pas ! Un examen attentif des faits démontre que le nombre de signataires de la pétition est d’ores et déjà plus important que le nombre de voix écologistes aux dernières élections européennes… Dans toute la France, on signe massivement, quel que soit son bulletin de vote, non pas en fonction de quelconques consignes, mais parce qu’on est d’accord avec Éléonore Pattery, étudiante de 23 ans qui n’est affiliée à aucune organisation. On signe avec elle des deux mains que “la Loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire”. On partage un mot d’ordre clair et simple : “abrogation de la loi Duplomb” ! Les seuls à être étonnés sont celles et ceux qui n’ont pas voulu voir, pas voulu entendre, lors d’un examen parlementaire tronqué, que 83% des Français sont opposés au retour des néonicotinoïdes. C’est presque unanime et majoritaire dans tous les territoires, ruraux ou urbains, toutes les catégories sociales, toutes les générations, toutes les sensibilités politiques. Les signatures affluent des profondeurs du pays !

Viennent ensuite les circonvolutions de l’extrême droite. Inspiratrice et fer de lance de la loi Duplomb, militante des pesticides et du bâillonnement de la science, tous ses députés ont voté la décision d’empêcher le débat sur ce texte à l’Assemblée nationale. Tous ont voté pour la loi Duplomb (sauf deux). Et voilà Marine Le Pen, sous le coup du million de signatures, qui dit « soutenir pleinement » la tenue d’un débat parlementaire, ajoutant que « seul un débat démocratique transparent et digne peut restaurer durablement » la « confiance » des citoyens, et même que “si un pesticide est dangereux, il doit être interdit”. On en rigolerait presque tant il y a quinze jours, l’extrême droite claironnait à la tribune de l’Assemblée nationale que “le groupe Rassemblement national a pris une part active, pour ne pas dire décisive, dans l’amélioration de la proposition de loi du sénateur Duplomb”, égrenant une par une la liste des dispositions obscurantistes de ce texte, revendiquées comme autant de “nombreuses victoires”, dont, entre autres, le retour de l’acétamipride. 

C’est enfin la tentative de manœuvre dilatoire du Gouvernement. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard, le chef du parti Renaissance Gabriel Attal, la ministre de l’Écologie Agnès Pannier-Runacher, proposent comme porte de sortie face au flux de signatures, d’être éclairés « par la science » et de demander son avis à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, sur le retour des néonicotinoïdes en France. Une idée de génie étant donné que le gouvernement a pris, le jour même du vote de la loi Duplomb, par décret, des dispositions qui portent atteinte à l’évaluation des risques des pesticides par l’Anses et qui font prévaloir des intérêts économiques sur la préservation de la santé publique et de l’environnement. S’ajoute à ce décret l’effet de la loi Duplomb elle-même, qui met en place un mécanisme pour empêcher la France d’interdire des pesticides cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens, PFAS. Ironie de l’histoire, les troupes de Monsieur Attal ont aussi, lors des débats en commission, voté contre notre amendement “de repli” (destiné à limiter les dégâts) proposant un avis de l’Anses préalable sur les dérogations pour les néonicotinoïdes. Quant aux connaissances scientifiques sur l’acétamipride et le flupyradifurone, les deux néonicotinoïdes autorisés par la loi Duplomb, elles sont établies et sans appel. Au point qu’elles constituaient l’argument central des notes des autorités françaises adressées à la Commission européenne par le gouvernement pour demander l’interdiction de ces pesticides dans toute l’Europe. Ces documents, que nous n’avons pas eu l’occasion de lire en séance à l’Assemblée nationale faute de débat, datent de novembre 2020 et de mai 2024, lorsque Gabriel Attal était Premier ministre… Cerise sur le gâteau, la ministre de l’agriculture, qui a soutenu la manoeuvre de la motion de rejet pour empêcher le débat à l’Assemblée nationale, déclare a présent que le gouvernement est « pleinement disponible » pour un débat parlementaire !

Ces revirements spectaculaires prouvent d’ores et déjà l’effet des 1 500 000 signatures. Le débat au Parlement est désormais acquis. Mais les signataires de la pétition ne demandent pas un débat pour le débat. Ils veulent l’abrogation de la loi Duplomb. Encore un effort ! Cette fébrilité démontre que nous pouvons gagner ce combat.

Delphine BATHO, coordinatrice nationale de Génération Écologie