24 novembre 2022
Aujourd’hui, 24 novembre 2022, est la deuxième édition de la « journée nationale de la précarité énergétique ».
Pas de quoi s’enthousiasmer quand on sait que la précarité énergétique touche aujourd’hui près de 12 millions de personnes en France. Comme le dit l’Observatoire national de la précarité énergétique (Onpe), « avec la hausse des coûts de l’énergie et des loyers, l’accroissement des précarités, et les 5 millions de passoires thermiques que compte notre parc de logement, de plus en plus de ménages n’ont pas les moyens de se chauffer correctement, ou se ruinent pour le faire, avec de graves conséquences sur leur santé et leur budget » [1].
Les basculement actuels (conflits géopolitiques, changement climatique, raretés des ressources) aboutissent à un choc global qui percute de plein fouet les citoyennes et les citoyens pour les reléguer sur le banc de la précarité. Dans le nouveau régime énergétique qui en résulte, nous sommes toutes et tous des précaires énergétiques. Et pendant ce temps, le gouvernement met en place des politiques de rustines ou de pansements ne permettant pas une sortie des situations de vulnérabilités énergétiques, ni de penser à des mesures structurelles sur l’énergie.
La France compte près de 4,8 millions de passoires thermiques. Dans les faits, leur éradication conduirait à réaliser quasiment la moitié du chemin pour atteindre les objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments de 15% entre 2017 et 2028 [2]. De plus, cela aurait un impact certain sur l’amélioration de la santé et la réduction des inégalités sociales.
On pourrait se laisser endormir par la politique du chiffre avec des dispositifs de rénovations énergétiques massives des bâtiments qui s’apparentent pourtant à des rénovations de petits gestes n’apportant quasiment aucune efficacité sur les gains d’énergie [3]. Si en 2021, seules 2 500 passoires thermiques ont été éradiquées (Cour des comptes, 2021), il faudrait alors près de 1920 ans pour éradiquer les 4,8 millions de bâtiments concernés. Il faudrait toujours 240 ans si les objectifs sont revus à la hausse avec une perspective de 20 000 passoires thermiques éradiquées par an comme les perspectives attendues en 2022.
Les chiffres donnent le tournis, d’autant plus que l’accompagnement à la sortie de la précarité énergétique pour toutes et tous est accessible budgétairement parlant avec au plus une dizaine de milliards d’euros. Mais, le gouvernement préfère mettre des gommettes et quelques chèques énergie, sans résoudre le problème et en espérant que cela ne dure pas trop longtemps. Et, en même temps, le paquet est mis sur le bouclier tarifaire sur l’énergie pour l’activité économique du pays. Ce dernier s’élevait à près de 45 milliards d’euros brut de dépenses supplémentaires pour l’Etat en septembre 2022. Voire, la facture est évaluée par Bercy à 110 milliards d’euros (en incluant les prévisions de 2023). Comme ce n’est pas tout, pas plus tard que le 19 novembre dernier, le gouvernement annonce une nouvelle enveloppe de 10 milliards d’euros à destination des entreprises, pour faire face à la flambée des factures d’énergie.
Le cap politique du gouvernement est clair : productivisme toute, croissance toute, dans les dénis sociétaux des mutations énergétiques et climatiques. Pourtant, le système de production et la croissance ne réduisent pas les inégalités. Ils les creusent et génèrent la précarité énergétique. Ils contribuent à la privatisation des biens communs et des ressources, c’est-à-dire à la privation pour le plus grand nombre.
Il y a urgence à agir pour lutter contre la précarité énergétique. Et ce, sans attendre que les extrêmes de températures (été comme hiver) et que l’augmentation exponentielle des coûts de l’énergie viennent encore percuter violemment les citoyennes et citoyens pour les plonger davantage dans la précarité.
Atterrissons, comme Bruno Latour nous amène à y réfléchir avec son ouvrage « Où atterrir ? », en prenant les chemins de la décroissance, en visant à plus de bien-être, moins d’inégalités et de précarités, par un retour à l’essentiel et un partage des biens communs sur une planète devant rester vivable.
Abel Cuvidad
[1] source : https://www.onpe.org/
[2] source : MTE 2021. Ambition climatique et rénovation performante pour 2028 et 2050
[3] source : Cours de compte 2021 – Audit flash Premier enseignements du déploiement du dispositif MaPrimeRenov