21 avril 2023
Alexandre Florentin est conseiller de Paris et membre du conseil exécutif de Génération Écologie. Il a présidé la mission « Paris à 50 degrés », qui vient de rendre son rapport.
Pourquoi cette mission autour des canicules à Paris ?
Alexandre Florentin : Le sujet de notre mission – l’adaptation aux canicules à venir – s’est imposé comme une évidence. À Paris, les habitantes et habitants vivent déjà les conséquences des vagues de chaleur qui se succèdent, plus nombreuses, plus longues et plus fréquentes. D’ailleurs, une étude qui vient de paraître indique que Paris est aujourd’hui la ville d’Europe dans laquelle on risque le plus de mourir de chaud.
Toute personne ayant vécu dans la capitale ces derniers étés est témoin de ces chaleurs extrêmes. Ce n’est malheureusement qu’un avant-goût. Le changement climatique nous pousse à nous préparer. Mais il doit également nous pousser à agir sur la cause du problème : la recherche effrénée de la croissance, quitte à détruire le vivant et à rendre la planète inhabitable.
Peux-tu nous présenter cette mission ?
Alexandre Florentin : Cette mission a été créée à mon initiative au sein du groupe écologiste du Conseil de Paris. Elle a permis de construire un travail transpartisan autour des impacts des futures canicules et des risques encourus par les parisiennes et des parisiens en cas de très fortes chaleurs.
Les constats dressés dans le rapport et les préconisations sont le résultat de cinq mois d’auditions d’expertes et d’experts scientifiques, de personnels d’instituts publics et privés, d’élues et d’élus, de personnes en charge de la sécurité civile, de personnels de santé, d’architectes, etc.
Nous avons également fait des rencontres et des visites sur le terrain pour voir des réalisations bien-adaptées et mal-adaptées aux canicules. Et nous avons consulté plus de 200 références bibliographiques : documents de la ville, rapports de l’ADEME, documents scientifiques… Le dernier mois de la mission a été consacré à la rédaction des 85 recommandations sur la base de ces constats.
Nous préconisons des solutions qui visent, dans un premier temps, à retarder l’arrivée du point critique, puis dans un second temps, à prévoir des mesures atténuant les impacts sanitaires, sociaux et environnementaux d’un Paris à 50°C.
Pourquoi cet indicateur : “50 degrés” ?
Alexandre Florentin : On s’est intéressé à l’indicateur de température “50 degrés” parce que c’est la température qui définit le fonctionnement de nos objets dits “techniques”, mais aussi, le fonctionnement de nos sociétés (transports, horaires, organisation du travail,…).
Dans un premier temps, nous avons voulu comprendre ce qui change quand le climat change. Nous avons porté un regard croisé sur différents sujets tels que canicule et bâti, canicule et urbanisme, canicule et transports, ou encore, l’école, la santé des personnes les plus vulnérables, le végétal, l’eau, les inégalités sociales… L’idée a été de diagnostiquer comment les canicules agissent à tous les niveaux de la ville et des humains qui la composent.
Nous avons aussi regardé l’aspect “gestion de crise”, car nous pensons que la société ne s’adapte pas assez vite, et qu’il faudra être en mesure de protéger les habitantes et les habitants en cas de très fortes chaleurs, comme par exemple en sécurisant une partie des catacombes pour abriter la population.
Comment ce rapport va-t-il influencer les actions de la Ville de Paris ?
Alexandre Florentin : Ça, ce sera à l’exécutif parisien de le décider ! Le rapport propose des perspectives politiques. Certaines solutions pourront être mises en place dès ce mandat si le conseil de Paris le décide. Mais ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas modifier Paris dans un claquement de doigt et qu’il faut y aller pas à pas. Il y a de très nombreuses contraintes.
Par exemple, nous avons veillé à proposer des arbitrages qui modifient des aspects de la ville, comme recouvrir les façades de végétation, mais qui restent acceptables du point de vue des architectes des bâtiments de France car ce sont des actions qui ne modifient pas de façon irrémédiable les bâtiments.
Les conclusions de ce rapport sont-elles applicables à d’autres villes en France ?
Alexandre Florentin : Lorsqu’il y a une vague de fortes chaleurs, la densité de bitume et de goudron transforme les villes en radiateur, et même la nuit, la température ne redescend pas. C’est ce qu’on appelle les îlots de chaleur. Le problème peut être rencontré dans toutes les villes à l’échelle d’un quartier. Et il est possible d’imaginer, même si cela est inconfortable, de déplacer une partie de la population vers des quartiers plus frais le temps d’une vague de chaleur.
Mais on conçoit difficilement de déplacer la population d’une agglomération de plusieurs centaines de milliers voir millions d’habitants. Il n’y a donc pas d’autre choix que celui d’adapter les très grandes villes à ce nouveau risque climatique.
Les préconisations présentes dans ce rapport peuvent servir à la plupart des grandes villes ayant un important patrimoine de bâtiments historiques. L’inverse est également vrai puisque nous nous sommes inspirés de réalisations effectuées dans d’autres villes comme Toulouse qui a travaillé sur un indice d’albédo (ndlr : pouvoir réfléchissant d’une surface) pour ces constructions ou Lyon qui a travaillé sur les espèces d’arbres les mieux adaptées aux canicules. Parce que les conséquences du réchauffement climatique se font sentir partout. Et ce n’est pas près de s’arrêter.
Propos recueillis par Cécile Faure
Le rapport de la mission peut être téléchargé ici : Paris à 50 degrés.