19 mai 2023
Plus de 50 ans après la parution du rapport Meadows, Les limites à la croissance, s’est tenue au Parlement européen la conférence Beyond Growth (Au-delà de la croissance). Pour cette deuxième édition, près de 2500 personnes étaient venues de toute l’Europe et au moins 4500 étaient enregistrées pour suivre la conférence en ligne.
Au programme, des conférences et débats sur les perspectives de l’Europe post-croissance, sur la nécessité absolue de rompre avec cet imaginaire productiviste et hyper-consumériste qui rend la planète invivable, sur les stratégies et les freins pour atteindre la post-croissance, et sur les conditions de réussite pour les piliers de notre société que sont les services publics, les soins, le travail, l’énergie, l’alimentation, l’économie…
Cette conférence a énoncé le constat que notre mode de vie nous mène à notre perte. Dans sa folie illimitiste, notre société traverse à toute vitesse les limites planétaires, au-delà desquelles nous entrons dans un monde dangereux, instable et imprévisible.
En trois jours elle a abouti, sans équivoque, à la conclusion que la décroissance est le chemin qui nous permettra de poursuivre un projet de société paisible et épanouissant, tout en respectant les limites planétaires.
« Il est peu probable que la génération de mon fils [né en 2020] aille à l’université, et atteigne l’âge de ma mère. Sa génération devra lutter pour manger, même en Europe.
Yamina SAHEB, économiste, autrice principale du GIEC
Ils se battront pour de l’eau. »
En effet, six des limites planétaires identifiées ont déjà été franchies et nous poursuivons dans notre folie la grande accélération de la destruction de la vie sur Terre. Cette Terre ravagée par l’inconscience destructrice de l’”homme productiviste” file vers une trajectoire de réchauffement de +4°C d’ici la fin du siècle. Un tel réchauffement serait cataclysmique !
La science est limpide, l’urgence de revenir à la raison est totale.
Il est urgent d’abandonner cette croyance selon laquelle il faudrait augmenter chaque année la production d’objets obsolescents, c’est-à-dire la transformation de la nature en déchets, pour au contraire décroître, c’est-à-dire procéder à une « réduction planifiée et démocratique de la production et de la consommation dans les pays riches, pour réduire les pressions environnementales et les inégalités, tout en améliorant la qualité de vie » (Timothée Parrique, économiste).
Mais la décroissance n’est pas qu’une nécessité face aux limites planétaires, elle est aussi un retour à la vie et à la beauté du monde et de ce que nous sommes.
« Ce que nous nommons « décroissance », c’est la sortie de nos addictions mortifères, c’est une guérison, un désensorcellement. » .
Aurélien BARRAU, philosophe et astrophysicien
Cette vision de la décroissance, loin de la vision punitive de l’écologie sans cesse rabâchée par les puissants, a été largement plébiscitée dans l’hémicycle du Parlement européen, par un public jeune, engagé, radical et anxieux pour son avenir. Seuls quelques acteurs institutionnels restent toujours opposés à la décroissance. Mais, les scientifiques, les activistes, les syndicalistes, les ONG et les citoyennes et citoyens présents ont exprimé leur puissante volonté de dire les vérités scientifiques qui caractérisent l’état de notre monde, et sans perdre plus de temps, d’en finir avec cette folie croissantiste.
Le décalage pose question.
Cette communauté qui s’organise, qui pousse des portes, et qui prend soin du collectif, porte un nouvel espoir, une nouvelle vision puissante de ce que doit être la vie sur Terre, en harmonie avec les écosystèmes.
« Je ne vais pas donner des droits à la nature comme je ne vais pas donner des droits à ma mère.
Vandana SHIVA, philosophe, écrivaine, professeuse d’université
Je vais reconnaître ceux qui sont les siens. »
Cette génération d’activistes a aussi entendu les mots d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors de la session plénière d’ouverture de la conférence Beyond Growth : « le modèle de la croissance basé sur les énergies fossiles est tout simplement obsolète. ».
La décroissance n’est plus un tabou. Elle est dans la lumière.
Elle est à la portée de tous et toutes. Il n’est plus légitime aujourd’hui de la dénigrer comme ce fut le cas pendant trop longtemps. Il y a plus d’un demi-siècle la lettre de 1972 de Sicco Mansholt, alors vice-président de la Commission européenne, appelait déjà, dans la foulée du rapport Meadows, à changer radicalement le modèle de la société et à sortir de la croissance. Aujourd’hui, des parlementaires européens de tous horizons, historiquement productivistes, admettent que ce chemin ne mène nulle part.
« Si vous pensez que l’on peut découpler la croissance de la destruction des ressources, il va falloir le prouver. »
Timothée PARRIQUE
Désormais, la décroissance est dans l’agenda politique.
Dans le prolongement de la campagne Delphine Batho lors de la primaire des écologistes, Génération Écologie, le parti de la décroissance, salue cette initiative et cette nouvelle étape franchie. Il est désormais notre devoir de faire durer l’esprit de Beyond Growth, au-delà des murs du Parlement Européen.
« La sobriété c’est remplir les besoins essentiels de la majorité des gens, pas céder aux désirs d’une minorité. »
Yamina SAHEB
Anaïs Widiez, Cécile Faure & Abel Cuvidad