Pour lutter contre l’inflation, cessons d’enrichir les géants du pétrole et du gaz

26 septembre 2023

Pour Génération Écologie, lutter efficacement contre l’inflation qui sévit en France, c’est faire le pas courageux et stratégique de se défaire de notre dépendance aux énergies fossiles en organisant la décroissance. 

Au contraire, face à l’inflation, le gouvernement a souhaité autoriser la vente à perte sur les carburants, avant de se rabattre sur un simple encouragement à la vente à prix coûtant. Une fois de plus, il se trompe de diagnostic et parie à tort sur la bonne volonté des multinationales de la grande distribution. Outre que cette mesure ne promet pas de résultats certains sur les prix, elle condamne encore davantage le climat en favorisant l’utilisation de la voiture. 

Par ailleurs, cette mesure élude le vrai problème de notre économie : notre dépendance aux énergies fossiles, dans un système mondialisé où les grands producteurs utilisent opportunément les mouvements d’inflation pour tirer leurs rentes à la hausse. 

Rappelons que la France est très largement dépendante des énergies fossiles (à 60% environ) dont le prix dépend de l’évolution des cours mondiaux de pétrole brut. Or, sur ces marchés, par nature très instables (instabilité qui devrait s’aggraver), les producteurs souhaitent accroître leur rente. Toute hausse des prix mondiaux constitue donc une opportunité pour accroître leurs profits : c’est la boucle prix-profits. 

L’inflation sur les énergies fossiles impacte le reste de l’économie française

La répercussion de cette “greedflation” (“cupideflation” en français) sur les pays fortement importateurs comme la France est immédiate pour le reste de l’économie. D’après une note du FMI, la “greedflation” explique ainsi la moitié de l’inflation actuelle en Europe.

Cela se retrouve notamment dans le prix des produits alimentaires, où les industriels eux-mêmes génèrent des boucles prix-profits : les profits sont la première cause de la hausse des prix alimentaires. L’industrie alimentaire a ainsi répercuté à 110 % la hausse de l’énergie sur son prix de vente depuis le début de la crise. Autre conséquence, et non des moindres, de cette conjoncture économique délétère pour les français : une diminution de la consommation alimentaire de presque 10% depuis le début de la crise, atteignant en premier le marché des produits bio, dont la croissance des dernières années renvoyait un signal positif pour l’avenir du vivant. 

Moins de consommation d’énergie, c’est moins de dépendance vis-à-vis des pays exportateurs

Une solution pour lutter structurellement contre l’inflation tout en respectant les limites planétaires et en améliorant la capacité des citoyens à vivre de leurs revenus, est d’organiser la décroissance énergétique du pays.

Ce grand plan d’économies d’énergie et de réduction de nos besoins en pétrole et en gaz devra s’intégrer dans une planification plus largement pensée dans laquelle de nouveaux indicateurs de bien-être des populations, de satisfactions, de bien vivre seront définis. Car la décroissance implique une sortie du productivisme et du consumérisme au profit d’un projet de société plus juste, ne permettant plus aux industriels de concentrer les richesses. 

Le déploiement stratégique des énergies décarbonées renouvelables, qui ne doit pas se faire au détriment de l’environnement (forêts, terres agricoles, etc.), un pilotage des réseaux de distribution revu et corrigé en fonction d’objectifs de réduction de la consommation notamment en période de pic de consommation lors desquels les productions carbonées sont mises en route, ou encore la recherche nécessaire de tout gaspillage d’énergie sont autant de solutions adaptées pour en finir avec l’inflation. 

Car une décroissance couplée à une autonomie stratégique accrue dans l’énergie et donc une limitation de nos besoins en fossiles, est le meilleur rempart en cas d’évolution conjoncturelle des prix du baril, et donc notre meilleur rempart contre l’inflation.

Fin du monde et fin du mois ne sont pas incompatibles, à condition de prendre les bonnes mesures

Plutôt que de lutter contre un problème structurel avec des mesures conjoncturelles, court-termistes, nocives pour le climat et l’environnement, l’organisation de la décroissance de notre économie, et la recherche d’une autonomie stratégique sur l’énergie aurait pour effet de combattre l’inflation à long-terme. Elle serait une chance d’améliorer nos vies, de mieux répartir les richesses et de changer l’économie, ne se basant plus sur la croissance du PIB comme boussole. 

Au vu de la Planification écologique du gouvernement annoncée ce lundi 25 septembre par Emmanuel Macron, on comprend que le gouvernement poursuit sa quête mortifère de croissance « à tout prix ». Il mise sur le véhicule électrique individuel plus que sur les mobilités douces, les transports en commun ou l’autopartage, souhaite sortir du charbon pour l’électricité mais continuera à déclencher les centrales thermiques (fioul, gaz) lors de pics de consommation et surtout il ne cherchera pas à réduire les besoins en énergie en France poursuivant, entre autres, l’objectif de construction de 14 nouvelles centrales nucléaires.

Les importations de gaz de schiste ou de gaz naturel, les importations de cobalt se poursuivront également. Ce plan d’action du gouvernement ne résoudra rien, ni la crise écologique, ni la crise inflationniste. Bien au contraire….

Ben Reigral, Claire Fabre, Pierre de Beauvillé, Antoine Meyer, Cécile Faure pour la Commission Économie de la Décroissance


Voir également l’intervention de Delphine Batho à l’Assemblée nationale sur le projet de loi « portant mesures d’urgence pour adapter les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution » (commission des affaires économiques) le 3 octobre 2023 :