12 janvier 2024
“Dans l’existence humaine, deux choses fondamentales s’opposent : la parole et la violence. L’agresseur qui fait le choix de la violence, pour prendre le pouvoir sur l’autre, impose le silence à l’enfant victime, à la femme victime de violences sexuelles. Mais sa stratégie est de contaminer -au silence- le groupe, la famille et la société toute entière”
Edouard Durand, co-président de la CIIVISE de 2021 à 2023
Le 23 janvier 2021, le gouvernement créait la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants), à la suite des révélations de Camille Kouchner dans son ouvrage, La Familia Grande, et de la publication des travaux de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise).
L’objectif était de dresser un état des lieux sur les violences sexuelles faites aux enfants, de proposer des pistes d’actions sous forme de préconisations de politiques publiques et d’offrir aux victimes un espace de reconnaissance et de solidarité.
La CIIVISE, avec à sa tête le juge pour enfants Edouard Durand et Nathalie Mathieu, a largement accompli sa mission et même au-delà. Des milliers de personnes ont parlé de ce qu’elles avaient subi dans l’enfance, parce que la doctrine de la CIIVISE a su leur inspirer confiance et les mettre en sécurité dans leur prise de parole.
Mais au-delà de cette réussite quant aux objectifs fixés, il y a le constat, accablant et insoutenable, de l’ampleur inouïe du système de violences sexuelles faites aux enfants, du manque cruel de la protection qui leur est due par nous, les adultes, les institutions, les gouvernements. Le constat aussi que ces violences s’inscrivent dans le même système de domination patriarcale qui violente les femmes, et que les causes et conséquences peuvent souvent être traitées ensemble.
Ces états de faits et manquements ont été regardés en face par les membres de la CIIVISE, sans complaisance, non pour le plaisir de critiquer le gouvernement ou les institutions, mais par devoir envers les victimes. Un rapport a été produit. Il établit d’une part le coût du déni actuel pour la société, estimé à 9 milliards d’euros par an, et d’autre part une liste de préconisations groupées en 4 axes : le repérage, le traitement judiciaire, la réparation et la prévention.
Aujourd’hui, le gouvernement décide de nommer une nouvelle direction pour la CIIVISE, caractérisée par des prises de position qui vont à l’encontre des préconisations qui ont été faites après ces trois années de travail. C’est une gifle pour ce collectif qui avait promis la protection à toutes ces victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Le gouvernement ne croit pas les constats qui sont faits, ne protège pas les enfants, balayant ainsi la doctrine de la CIIVISE qui avait permis ce succès, et déclenchant des démissions de membres opposés à la nouvelle direction, ainsi que la colère et l’incompréhension des associations de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants.
La CIIVISE était une chance d’améliorer significativement la protection de l’enfance en France. Mais des mesures phares sont déjà contestées par la nouvelle direction, comme I’imprescriptibilité dans le cas de l’inceste, le signalement obligatoire par les médecins, ou l’abolition de l’usage du syndrôme d’aliénation parentale, très décrié scientifiquement et servant essentiellement à punir les mères protectrices en leur supprimant la garde des enfants au profit de leurs agresseurs !
Nous observons un traitement similaire par le gouvernement du travail réalisé par la CIIVISE et celui de la Convention Citoyenne pour le Climat lancée en 2019. Nous dénonçons ce procédé qui consiste à mobiliser des compétences et des énergies pour des sujets fondamentaux déclarés grandes causes du quinquennat, et à les abandonner ensuite lorsque leurs conclusions ne sont pas celles espérées, sans explication ni contre-expertise.
Ces sujets demandent des mesures claires, du courage politique, et du renoncement aux logiques de domination et de clans. L’ambiguïté, l’incertitude, l’équivoque, sont les armes des agresseurs, alors que la violence sur les enfants est l’un des aspects les plus cruels de la prédation, compte tenu de leur extrême vulnérabilité.
La CIIVISE présidée par Edouard Durand et Nathalie Mathieu nous a montré un chemin d’espoir et de réparation pour les victimes survivantes. Génération Écologie demande le maintien de leur doctrine, et l’intégration de leurs préconisations dans les politiques publiques de protection de l’enfance en France.
Caroline Ortiger, Anaïs Widiez, Hélène Roche, Jérémie Viel de la commission Écoféminisme
Le maintien de la CIIVISE fait l’objet d’une pétition : https://www.mesopinions.com/petition/enfants/maintien-ciivise-nathalie-mathieu-edouard-durand/221512