01 février 2024
« Dix pour cent » est le nom d’une bonne série télévisée sur le monde du cinéma. Mais nulle comédie, légèreté, ni aimable satire, dans le chiffre de 10 % en ce premier février 2024 avec la quatrième hausse consécutive des tarifs de l’électricité depuis deux ans.
Les budgets des ménages sont rincés, broyés, vidés par la profitation, la pauvreté explose. C’est le moment que le gouvernement a choisi pour en finir avec son « bouclier tarifaire » qui n’en était pas véritablement un.
Les tarifs de l’électricité augmentent, donc, aujourd’hui de 8,6 % à 9,8 %. Cela s’ajoute aux 4 % de février 2022, 15 % de février 2023, 10 % d’août 2023. L’augmentation totale atteint 44% sur deux ans, 51 % sur les cinq dernières années. Et ce n’est pas fini puisqu’il y aura deux nouvelles hausses à venir, en août 2024 et en février 2025. Si les pourcentages ne suffisent pas à donner le tournis, la voilà la soi-disant « écologie populaire » du nouveau Premier ministre Gabriel Attal : pour la seule année 2023, la hausse de la facture d’électricité des ménages était déjà de 400 euros en moyenne.
Cette hausse résulte d’un choix politique, et non d’une hausse des coûts de production de l’électricité ou d’une nouvelle flambée du marché européen qui serait subie par la France. Même l’ancienne ministre Emmanuelle Wargon, désormais présidente de la Commission de régulation de l’énergie, le souligne : c’est exclusivement « une décision gouvernementale », alors que « les prix sur les marchés ont beaucoup baissé en 2023 », « encore une fois, ça, ce n’est pas la responsabilité de la Commission de régulation de l’énergie ». On ne saurait être plus claire ! Les 10 % ne proviennent pas d’une hausse de l’électricité, mais du rétablissement d’une taxe : la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE).
« Pour décarbonater l’électricité, il faut qu’elle soit plus chère » ose se justifier le ministre de l’économie Bruno Le Maire, niant l’évidence que la sortie des énergies fossiles exige à l’inverse de faire de l’électricité un bien de première nécessité abordable, et occultant – par ailleurs – le risque financier hasardeux que représente le choix d’un nouveau programme nucléaire EPR. Le climat est bien la victime collatérale de ces choix qui ont pour conséquence une catastrophe sociale. Comme le souligne Nicolas Goldberg chez Bon Pote, le résultat de cette hausse de la TICFE est que le gaz fossile importé (dont une part de gaz de schiste) sera moins taxé que l’électricité made in France !
« Ne vous plaignez pas, l’électricité est plus chère ailleurs en Europe » argumente encore – en substance – Bruno Le Maire. Sauf que le montant moyen des factures d’électricité payées par les ménages en France est le plus élevé d’Europe. La faute à l’absence de volontarisme dans les économies d’énergie et le développement de la chaleur renouvelable, mais aussi à la dérégulation du service public de l’énergie, soumis à la loi du marché. Autant de causes profondes à notre vulnérabilité énergétique à laquelle il faut remédier depuis tant d’années.
Comble du comble, la mesquinerie va jusqu’à appliquer la hausse de taxe la plus élevée (+9,8 %) aux 9,3 millions de ménages qui sont abonnés au tarif heures pleines / heures creuses. Est ainsi sanctionné un dispositif ancien d’incitation à la sobriété, encourageant à consommer au moment où le réseau est le moins sollicité et où la production émet le moins de CO2.
« La décroissance c’est la fin de notre modèle social » pensait pouvoir affirmer le Premier ministre dans son discours de politique générale, sans dire un mot de la hausse de l’électricité, ni de celle des franchises médicales. Après la retraite à 64 ans et avec le retour de l’austérité budgétaire, ses décisions illustrent à elles seules que le prix à payer de la course à la croissance du PIB est de s’enfoncer toujours plus dans la destruction sociale.
Delphine Batho, coordinatrice nationale