06 septembre 2024
En 2021, Delphine Batho candidate de Génération Écologie à la primaire des écologistes a fait campagne sur l’abolition du présidentialisme. Ces dernières semaines ont illustré de façon caricaturale à quel point le régime institutionnel actuel nuit à l’expression démocratique. Au-delà de la responsabilité de l’actuel occupant de la fonction, les institutions de la Ve République sont intrinsèquement porteuses de cette dérive.
La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier par Emmanuel Macron a inauguré une politique et institutionnelle inédite. Le Président de la République a décidé seul, plongeant notre pays dans une crise démocratique sans précédent. L’absence de Premier Ministre aura fourni une magistrale illustration, d’une puissante portée symbolique, qui plus est dans le contexte d’une France accueillant à l’international les Jeux Olympiques et Paralympiques…
On peut se demander, dans une telle situation, à qui la faute ? Les partis composant le NFP qui n’ont pas su s’accorder suffisamment tôt sur le choix d’un nom de Premier ou Première Ministre ? LFI qui par la voix de Jean-Luc Mélenchon a continué à pratiquer une opposition destructrice systématique aux différentes suggestions de ses présumés alliés, ruinant tout espoir de transformer une faible majorité relative en capacité à gouverner et arracher des changements concrets améliorant le quotidien ? Ou encore Emmanuel Macron lui-même qui par sa pratique jupitérienne des institutions nourrit encore un peu plus l’impasse démocratique dans laquelle notre pays s’enfonce ?
La Constitution de la Ve République elle-même pourrait-elle également être tenue pour responsable de ce fiasco ? Napoléon Bonaparte disait qu’une Constitution « ne devait pas gêner l’action du Gouvernement » et c’est aussi l’application que le Président de la République a pu faire du texte suprême, poussant le bouchon un cran plus loin : encore faudrait-il qu’un gouvernement existe… Car la valse quotidienne des noms de potentiel Premier ou Première Ministre, depuis quelques semaines, n’a fait que traduire le mépris avec lequel Emmanuel Macron considère l’expression du vote du peuple Français aux élections législatives, et le machiavélisme avec lequel il traite les partis politiques et leurs représentants, observant du haut de l’Elysée leurs réactions. Le Président. Rien que le Président. Et s’il se suffisait à lui-même ? Si Charles de Gaulle s’était félicité lors de sa conférence de presse du 20 septembre 1962 que l’un des caractères essentiels de la Constitution de la Ve République était qu’elle « donne une tête à l’Etat », il est possible qu’elle lui en ait donné une trop grosse…
La dérive présidentialiste de notre régime est en effet en cours depuis plusieurs décennies, dans un cadre constitutionnel resté stable. Elle autorise une pratique du pouvoir bonapartiste, qui mine les équilibres démocratiques de nos institutions. En d’autres termes, le présidentialisme nuit gravement à l’expression démocratique, en muselant notamment le pouvoir parlementaire.
La destitution du Président de la République réclamée par certains s’inscrit hélas dans la poursuite de cette logique, comme si la question était de savoir qui sera calife à la place du calife, et non d’en finir avec un système obsolète. Le mal est bien plus profond et contagieux. Le présidentialisme sévit ainsi à tous les étages, dans l’appareil d’État organisé autour de la verticalité patriarcale, mais aussi dans les partis politiques, chacune et chacun se rêvant l’homme ou la femme de la situation, tout en se désolant des délitements en cours…
Enfin, des propositions visant la modification du mode de scrutin avec l’introduction de la proportionnelle aux législatives sont remises au goût du jour, comme si elle suffisait à elle seule à remédier aux travers du régime actuel, qui ont été aggravés par l’alignement des législatives sur la présidentielle. Quelles que soient les réformes potentielles du mode de scrutin, elles passent à côté de la nécessité de changer la nature du régime en mettant fin au présidentialisme.
Il convient de redonner ses pouvoirs au Parlement, devant lequel le Gouvernement est responsable et non l’inverse, de ramener le rôle du Président à un rôle garant de la Constitution. Enfin, le travail démocratique doit être poursuivi en tout lieu, dans nos collectivités, nos entreprises, nos associations afin que la culture démocratique s’enracine dans les consciences et les pratiques et vive « en continu ». La vie politique française s’en trouverait profondément assainie et rafraîchie !
Faire de la politique autrement pour vivre autrement, c’est ce que défend Génération Écologie en souhaitant la fin du présidentialisme.
Anne-Laure Bedu