27 décembre 2024
Cahier d’acteur de Génération Écologie dans le cadre de la consultation publique sur le projet de plan national d’adaptation au changement climatique. Pour plus de facilité de lecture, vous pouvez lire ce texte au format pdf ici.
“Assassin !” crient des habitantes et habitants à Valence après les inondations ravageuses. “Démission !” scandent celles et ceux de Mayotte après le cyclone Chido. La colère des survivants des catastrophes non pas “naturelles”, mais d’origine anthropique, en dit long sur la responsabilité des gouvernements qui chaque jour décident de ne pas prendre au sérieux l’état d’urgence climatique.
Pour Génération Écologie, le projet de nouveau plan national d’adaptation au changement climatique se berce d’illusions. S’il faut saluer la mobilisation des agents de l’État qui ont contribué à son élaboration, ce document, publié avec retard, repose sur une vision linéaire erronée. Il sous-estime autant l’ampleur des bouleversements et du chaos à venir que la vulnérabilité de notre pays.
Le conseil exécutif de Génération Écologie présente les bases d’une approche alternative.
1. L’illusion et les limites de l’adaptation
Un réchauffement hors de contrôle
Si l’idée d’adaptation au changement climatique a un fondement scientifique et peut sembler rassurante, elle est désormais en partie illusoire. Dans notre pays, des limites aux capacités d’adaptation sont d’ores et déjà franchies[1]. Au niveau mondial, le changement climatique est hors de contrôle. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévue par l’Accord de Paris n’est pas respectée. Le seuil de 1,5 °C a été dépassé en 2023-2024. Tous les jours, y compris en France, des décisions sont prises qui augmentent la concentration de CO2 dans l’atmosphère, avec des conséquences irréversibles pour des siècles et des millénaires.
Un plan qui prétend soigner le symptôme sans s’attaquer à ses causes
Plus la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre tarde, plus l’organisation de la résilience doit être un enjeu politique central. Mais Génération Écologie met en garde contre l’illusion politique consistant à croire qu’il serait possible de s’adapter à tout. Dans un monde à +3 °C, la France serait méconnaissable.
Nous dénonçons la segmentation des enjeux d’atténuation et d’adaptation face au changement climatique aboutissant à la présentation d’un plan distinct, là où une approche systémique est indispensable. La démarche choisie par l’actuel gouvernement ne relève pas d’un réalisme salutaire, mais d’un paravent à l’inaction climatique dans un contexte marqué par le backlash contre l’écologie, avec des régressions inédites des politiques environnementales. Prétendre faire face aux conséquences du franchissement des limites planétaires sans s’attaquer à sa cause est voué à l’échec. L’ensemble du plan est bâti sur cette erreur de diagnostic initiale, alors qu’il s’agit d’un seul et même problème : celui de la civilisation thermo-industrielle dans l’ensemble de ses ressorts économiques, sociaux et culturels.
Une vision linaire qui sous-estime les risques
Le projet de plan national d’adaptation au changement climatique se présente comme un document technocratique, donnant une large place à l’énumération d’actions existantes et à la commande d’études nouvelles. Il aborde les conséquences du changement climatique principalement selon une logique linéaire de continuité, avec des ajustements techniques à la marge, là où le chaos climatique va provoquer des ruptures, et non de simples perturbations, et impose des renoncements et des changements de mode de vie. Villes invivables[2], territoires sous l’eau, mégafeux, effondrements de roches, de glaces, de boues en montagne, disparition des glaciers et de pans entiers du littoral, chaleur humide, cyclones, impacts sur la santé physique et mentale, risques pour la cohésion sociale et nationale… à croire qu’il s’agit essentiellement, pour l’État, de se sécuriser lui-même, d’ouvrir le parapluie pour se protéger de son imprévoyance, et de se donner l’illusion de maîtriser un processus qui le dépasse d’ores et déjà.
Des pans entiers des enjeux de sécurité physique, pour la population comme pour les fonctions vitales du pays, sont ainsi éludés. Génération Écologie s’étonne que ce document ne fasse pas une seule fois référence à la stratégie nationale de résilience pilotée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Pourtant, la France ne pourra pas être une île au milieu d’un monde engagé sur la pente d’une trajectoire d’effontrements. Si les données scientifiques sont prises en compte pour la métropole, les répercussions planétaires des conséquences d’un monde à +3 °C ne sont pas abordées.
Les déplacements de populations, les pertes de biodiversité, les pénuries d’approvisionnements, les pandémies, sont susceptibles d’engendrer des ruptures géopolitiques, sociales, économiques, affectant la vie de la nation avec des conséquences majeures. Prendre au sérieux ces risques devrait conduire à une politique de relocalisation pour satisfaire les besoins vitaux, menée tambour battant.
La vulnérabilité liée aux inégalités sociales et à l’affaiblissement des services publics occultée
L’exposition et la vulnérabilité de notre société face au changement climatique ont augmenté depuis quanrante ans[3]. Il en résulte une injustice sociale supplémentaire. Par exemple, les catégories sociales les plus pauvres ont été logées dans des zones inondables, dans des logements passoires et bouilloires thermiques, dans des territoires exposés à la pollution, quand ce n’est pas dans des bidonvilles comme à Mayotte. La résilience au changement climatique passe par la réduction des vulnérabilités liées à des facteurs socio-économiques, et non climatiques.
La remédiation aux inégalités, la solidarité, l’entraide, un réel partage des ressources limitées, la justice climatique, la réparation des services publics, à commencer par celui de la santé et des métiers de l’humain susceptibles d’être fortement sollicités, sont des dimensions essentielles et globalement absentes du projet de plan national d’adaptation au changement climatique.
Une absence d’évaluation budgétaire et de valeur normative
Le plan mis en consultation ne comporte pas d’annexe budgétaire. À quelques exceptions près, il repose sur les moyens existants. Sa crédibilité est douteuse dès lors que de nombreuses actions font appaître, dans la rubrique “budget“, la mention “à définir”. Et pour cause, puisque les moyens existants des politiques publiques écologiques font les frais de l’austérité budgétaire. C’est ainsi qu’au moins 11 mesures (sur 51) font apparaître comme financement le Fonds vert, lequel a été amputé de 900 millions en 2024 et, en l’état du projet de loi de finances, le sera probablement de 1,5 Mrds en 2025. Autre exemple, plusieurs actions seraient prises en charge par le Pacte pour la haie, dont les moyens budgétaires sont en passe de diminuer de 72% … Quant au Fonds Barnier, chichement doté de seulement 75 millions d’euros supplémentaires, repose sur lui seul un tiers des mesures ! La mobilisation de l’engagement des entreprises est renvoyée aux obligations dans le cadre de la CSRD, sur laquelle le précédent Premier ministre proposait un moratoire. De ce fait, le projet de PNACC ne remédie pas au constat dressé par la Cour des comptes : “l’évaluation des coûts actuels et futurs de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante, faute de données suffisantes mais également parfois d’objectifs clairs”[4]. Les moyens humains, en capacités d’expertise publique, manquent également à l’appel. Les actions présentées ne sont pas à l’échelle, ni en terme de rythme, que traduit l’usage récurrent de l’adjectif “progressivement”, ni d’ampleur, comme l’illustre l’ambition d’accompagner seulement 100 territoires pilotes. Elles sont paramétrées en fonction du peu de moyens disponibles, et non des besoins[5].
De plus, la principale avancée du plan, à savoir la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique, n’est pas dotée de portée normative assurant sa déclinaison juridique dans tous les secteurs des politiques publiques, si ce n’est la mention d’un futur décret pour sa prise en compte comme “hypothèse” dans l’évaluation environnementale des plans et programmes.
2. Les choix fondamentaux pour la résilience
Une stratégie de résilience[6] robuste implique une autre méthode et des choix fondamentaux.
Choix n°1 : Une trajectoire de référence mondiale, dotée d’une portée juridique
Il est préférable de retenir une trajectoire de référence à l’échelle mondiale de +3 °C[7], et non à l’echelle de la France métropolitaine de +4° C en 2100. Il s’agit de ne pas faire abstraction de la situation de notre population outre-mer, de 80% de la biodiversité française et notre responsabilité sur le deuxième domaine maritime mondial.
Mais attention : cette trajectoire de référence est basée sur un scénario intermédiaire[8], qui suppose le respect des engagements pris par les États dans le cadre de l’Accord de Paris, ce qui est loin d’être le cas… La trajectoire des années 2023 et 2024 est spectaculaire.
C’est pourquoi Génération Écologie recommande de prendre également en compte un scénario plus dégradé[9], le “scénario de plus haute dérive climatique“[10], notamment pour les infrastructures et les forêts.
De plus, le choix d’une trajectoire de référence ne doit pas occulter la permanence d’incertitudes profondes, comme la vitesse de fonte des calottes glaciaires et donc d’élévation du niveau de la mer, ou encore l’effet des boucles de rétroaction climatique.
Une trajectoire de référence n’a de sens que si elle a une portée pratique et normative pour tous les acteurs, publics et privés. Elle doit donc être inscrite impérativement dans la loi pour s’appliquer à toutes les politiques publiques, et sans regret à toutes les normes techniques, notamment pour les projets ayant un impact en matière d’environnement, d’urbanisme et d’infrastructures.
Les études d’impact des lois, les évaluations de politiques publiques, et à court terme, le conditionnement des aides de l’État, doivent intégrer des tests de résistance à minimum +3 °C de réchauffement mondial et proscrire la maladaptation.
Choix n°2 : Une approche intégrale atténuation-adaptation & qualité de vie : l’adaptation transformationnelle
Nous defendons une approche hollistique, intégrant et transformant toutes les politiques publiques, dans tous les domaines. Face au péril climatique, nous avons besoin d’une transformation en profondeur, collective et ambitieuse.
La France doit donc faire le choix de l’adaptation transformationnelle, c’est-à-dire une “adaptation qui modifie les attributs fondamentaux du système socio-écologique en prévision du changement climatique et de ses impacts”[11]. Il s’agit de déployer une approche systémique par la pleine santé “one health”, la satisfaction des besoins vitaux en eau, en alimentation, en énergie, et donc de redéfinir de ce que l’on produit, ce que l’on consomme, et la gestion des biens communs dont nous avons besoin pour vivre et nous épanouir. La résilience est inséparable de la sobriété et de la réduction de l’empreinte écologique, du déploiement des low-tech et des alternatives de la décroissance énergétique et matérielle, notions absentes d’un plan qui s’inscrit dans la poursuite irréaliste d’un “business as usual”.
Choix n°3 : La résilience fondée sur la nature
Le projet de plan national d’adaptation au changement climatique fait des solutions fondées sur la nature[12]une mesure parmi d’autres. Cette relégation revèle une méconnaissance de notre interdépendance à la résilience des écosystèmes qui régulent tous les grands équilibres vitaux et dont dépendent le cycle de l’eau comme notre alimentation. Elle illustre un déni de la gravité de l’effondrement vertigineux de la biodiversité.
La résilience fondée sur la nature doit être la règle d’or de toutes les politiques publiques et les inspirer, au-delà de la seule régénération des écosystèmes, dans la façon de concevoir les modes de vie en ville comme à la campagne, ainsi que l’organisation des activités économiques et leurs finalités.
Choix n°4 : L’action publique élaborée à l’échelle des bassins de vie et des biorégions
L’organisation de notre résilience collective est une question de sécurité nationale. Elle appelle des choix majeurs, pour construire démocratiquement la réduction des dépendances et l’organisation de la vie quotidienne dans les territoires, sur des enjeux aussi essentiels que notre sécurité́ alimentaire, l’accès à l’eau, la régénération du vivant, la sécurité́ civile, l’adaptation de toutes les infrastructures.
Le projet de plan reste révélateur d’une vision descendante. Le haut (l’État) conçoit, le terrain (les acteurs territoriaux) est sensé appliquer, le tout sans moyens nouveaux. Bien que la dimension territoriale de l’adaptation soit appréhendée de façon récurrente, le PNACC-3 ne rompt pas avec une conception verticale, celle-la même qui explique l’impuissance publique dans de nombreux domaines et aggrave la vulnérabilité.
L’approche doit être renversée. La résilience doit s’organiser à l’echelle des bassins de vie et des biorégions[13]. La stratégie nationale doit se concevoir en réponse aux besoins du terrain, en mettant à disposition les outils et moyens attendus. Les acteurs territoriaux des collectivités, des administrations de l’État, des partenaires sociaux, ne doivent pas être invités à seulement “enrichir” le projet de PNACC-3. Ils doivent prendre le pouvoir, être appelés à penser, construire, transformer l’approche nationale autant que nécessaire, et pas seulement à la transposer.
3. Cinq propositions pour un État-résilience
Génération Écologie appelle de ses vœux une nouvelle étape historique de la construction républicaine, après celle de l’État-providence : l’État-résilience. La mutualisation des risques sociaux face à l’injustice de la maladie, au chômage, à la vieillesse, doit être élargie. La vulnérabilité de la population face aux effondrements écologiques justifie une nouvelle forme de protection collective.
L’État-résilience assure la gestion de crise, la remédiation aux vulnérabilités nationales, fixe le cadre général et les moyens mis à disposition en réponse aux besoins des territoires. Notre sécurité, au sens physique du terme, est en jeu. Nous avons une obligation de résultat. Nous avons donc une obligation de moyens.
La plupart des actions listées par le projet de PNACC-3 sont mal hiérarchisées et peu lisibles. Dans l’espace imparti par les règles de la consultation publique, nous faisons le choix de ne pas nous livrer au commentaire technique de chacune des 51 mesures et d’avancer de façon alternative des propositions fortes, lisibles, susceptibles d’avoir une réelle portée.
Proposition n°1 : Une loi de programmation pour la résilience nationale
Bien qu’il invite à une “conversation nationale” sur l’adaptation, le gouvernement ne prévoit aucun débat démocratique sur le plan national d’adaptation au changement climatique. Il en exclut la représentation nationale. Il prévoit pour toute instance de gouvernance du PNACC-3 une commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, en renforçant l’association du Conseil économique social et environnemental. Les mesures enferment les différents acteurs dans des cases sectorielles, cantonnant par exemple les entreprises à leurs domaines sectoriels, les syndicats et les partenaires sociaux au seul sujet de négociations sur l’évolution des conditions de travail en cas de canicule, comme s’ils n’avaient pas leur mot à dire sur les impacts sur l’ensemble du modèle productif et économique. De même, la plupart des actions s’appuient sur des compétences locales : sans ressources supplémentaires, elles resteront un vœu pieux.
La proposition d’une loi de programmation pour la résilience nationale répond donc à la fois à une nécessité démocratique, à savoir la saisine du Parlement et donc un débat national digne de ce nom, et à une nécessité de planification des moyens nécessaires à l’adaptation transformationnelle : crédits budgétaires mis à disposition des territoires, ressources d’expertise nationale, capacités de pilotage local grâce au cofinancement par l’État de chefs de projet résilience à l’échelle des intercommunalités rurales et des agglomérations urbaines, etc.
Proposition n°2 : Une sécurité sociale climatique
Les millions de citoyennes et citoyens victimes du changement climatique, qu’il s’agisse des habitants de maisons subissant des inondations ou le retrait-gonflement des argiles, des agriculteurs victimes de pertes de récoltes, comme tant d’autres, sont singulièrement absents du PNACC-3. 1500 communes peinent déjà à s’assurer. De plus en plus de particuliers connaissent le même sort, de même que des entreprises face aux risques financiers pour leurs activités. Créer un simple observatoire de l’assurance des risques climatiques au sein de la Caisse centrale de réassurance n’est pas à la hauteur de l’urgence.
C’est d’autant plus regrettable qu’un rapport commandé par le gouvernement[14] proposait des premières pistes : création d’un nouveau fond pour la prévention individuelle (financé par la hausse de la surprime CatNat), meilleur accompagnement des personnes sinistrées, responsabilisation dans les zones d’exposition majeure pour les résidences secondaires, application et renforcement des dispositifs existants : plans de prévention des risques, zéro artificialisation nette, etc.
Un monde à +3°C n’est plus assurable. Les victimes ne peuvent être renvoyées à des assurances privées, qui soit ne voudront pas d’elles, soit appliqueront des tarifs prohibitifs. L’État doit donc organiser la socialisation des pertes, à rebours de la logique qu’il a appliquée depuis plusieurs années, réduisant de facto la reconnaissance de catastrophe comme la sécheresse. Génération Écologie appelle à la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale couvrant les impacts du changement climatique. Il est nécessaire de construire un nouveau contrat social pour couvrir les pertes et domages, qu’il s’agisse de mesure de réparation ou de prévention, par l’adaptation du bâti ou des replis stratégiques. Les moyens nécessaires sont colossaux et appellent la mise en place de financements innovants. Les superprofits sur les énergies fossiles sont les premiers à devoir être mis à contribution.
Proposition n°3 : Un plan d’urgence pour l’eau
Le projet de PNACC-3 est déficient sur l’enjeu vital de l’eau, dont le caractère central n’est pas reconnu. Il revendique une continuité avec le Plan eau présenté en 2023, qui promeut une maladaptation techniciste et fait preuve d’aveuglement sur la fragilité des nappes phréatiques, des zones humides et des cours d’eau de notre pays. Le nouveau régime climatique signifie en effet la baisse déjà constatée de 14 % du volume annuel d’eau renouvelable depuis le début des années 2000, une litanie de sécheresses[15], des inondations majeures, un grand cycle de l’eau perturbé qui pousse à son paroxysme une situation qui était déjà hautement critique.
Le projet de plan ne dit pas un mot des enjeux de qualité de l’eau, ni de l’interraction entre le changement climatique et la contamination massive des eaux destinées à la consommation humaine par des métabolites de pesticides et des nitrates, qui résultent principalement de l’industrialisation du modèle agricole. Des captages ferment chaque année. La population d’outre-mer n’est pas toute approvisionnée en eau potable. La France a été condamnée à trois reprises par la Cour de justice de l’Union européenne pour la pollution de l’eau par les nitrates. La mauvaise gestion de l’eau a fait l’objet de six rapports de la Cour des comptes depuis 1997.
Faute de remédier aux causes, les investissements des collectivités chargées de la fourniture d’eau potable sont voués à devenir de plus en plus faramineux.
Ralentir le cycle de l’eau et assurer la sécurité de l’approvisionnement en eau potable passe par des mesures d’ordre public environnemental impliquant la protection drastique des périmètres de captage, la renaturation des rivières, la préservation et la régénération des zones humides, le remaillage des haies et des prairies permanentes, et bien entendu une transformation du modèle agricole.
Proposition n°4 : Une agriculture régénérative
Les mesures concernant le secteur agricole[16] sont sous-tendues par un choix politique implicite : faire durer le plus longtemps possible le modèle actuel, avec le présupposé que l’on pourra maintenir les mêmes rendements, avec moins de travail, moins d’agricultrices et d’agriculteurs, plus de machines, de pesticides et d’engrais de synthèse, sans biodiversité vivante, dans des conditions climatiques bouleversées. Le projet de plan n’accorde pas à l’agriculture la place stratégique qu’elle doit occuper dans une ambition de résilience. Il repose sur un pari techno-solutionniste. Il passe à côté de l’enjeu central et omniprésent des sols et des terres qui, sur 51 mesures, ne foit l’objet d’aucune mesure spécifique, quand parallèlement les puits de carbone faiblissent et les objectifs de lutte contre l’artificialisation sont à nouveau remis en cause…
La souveraineté alimentaire[17] est une urgence de sécurité nationale. Elle implique de consacrer tous les moyens de la politique agricole commune à la transformation agroécologique, à la conversion à l’agriculture biologique, à la sortie des modes d’élevage industriels pour favoriser le pâturage, à l’installation de nouvelles et nouveaux agricultrices et agriculteurs, notamment éleveurs et maraîchers, aux garanties de sécurité économique à leur assurer. Le changement des pratiques vise à reconcilier nature et agriculture, pour régénérer les écosystèmes et la qualité des sols, favoriser la richesse et la vitalité de la biodiversité et stocker le carbone, en mettant fin à la faim et à la malbouffe, et en créant des emplois dans l’agriculture.
Proposition n°5 : Un ministère régalien de la résilience, de la protection civile et des situations d’urgence
Le résilience et l’adaptation transformationnelle pour cesser d’amplifier et faire face au changement climatique impliquent une mobilisation générale dont paraissent incapables les gouvernements actuels. Elle supposerait, en particulier dans le rapport entre le sommet de l’État, le terrain et les citoyens, non seulement un changement d’orientation politique, mais également un changement de régime institutionnel, pour plus de délibérations démocratiques et de capacité d’action donnée au local.
Dans l’architecture gouvernementale, l’absence de portage politique des enjeux de résilience et de sécurité civile se traduit par des dysfonctionnements de la gestion de crise, l’absence de suivi des précédents plans nationaux d’adaptation, l’absence d’impulsion, l’absence de priorité politique, et même l’absence de retour d’expérience exhaustif sur la gestion de la pandémie de Covid-19.
Le report de plusieurs mois de la présentation d’un projet de PNACC-3, traité comme la variable d’ajustement du contexte politique, atteste de la nonchalance avec laquelle le gouvernement traite une urgence de sécurité nationale, relevant pleinement des missions régaliennes de l’État. La réponse aux événements climatiques à impacts extrêmes n’est d’ailleurs abordée que de façon évasive dans ce document[18]. Bien que les capacités françaises soient plus fortes que celles d’autres pays, le recours aux forces armées ne peut devenir un palliatif normal face aux chocs à venir.
Génération Écologie porte de longue date la proposition de création d’un ministère de la Résilience, de la protection civile et des situations d’urgence. Il devra élaborer et mettre en œuvre la loi de programmation en lien avec les territoires, renforcer considérablement le modèle de sécurité civile à la française qui repose sur nos pompiers-volontaires, soutenir l’éducation populaire à l’entraide, veiller au fonctionnement en toutes circonstances des infrastructures vitales, prendre en charge la prévention des risques et l’anticipation des facteurs de vulnérabilité. La France ne pourra pas affronter dans la paix civile les chocs à venir sans une montée en puissance du volontariat, du bénévolat, de la participation citoyenne, et leur pleine reconnaissance, dans le cadre de ce que les pays d’Europe du Nord appellent une stratégie de défense totale.
À propos de nous
Génération Écologie est le parti de la décroissance pour vivre autrement. Nous voulons changer le cours de l’histoire en portant au pouvoir par la démocratie un projet de société différent de tous les autres. Nous voulons vivre autrement pour respecter les limites planétaires et organiser notre résilience face au changement climatique. Nous défendons une écologie fondée sur la science et ancrée dans les valeurs républicaines. Nous militons pour l’émancipation de toutes et de tous, contre l’extrême droite, contre l’obscurantisme et tous les totalitarismes. Nous agissons par la non-violence. Nous voulons abolir le présidentalisme qui infantilise les citoyennes et citoyens et tue la démocratie. Face à l’effondrement du vivant et à la destruction de tout ce qui rend la planète habitable pour l’espèce humaine, nous travaillons à l’élaboration participative du programme de gouvernement VIVRE AUTREMENT ! Rejoignez-nous : linktr.ee/generationecologie
[1] Haut Conseil pour le Climat, rapport annuel 2024.
[2] Voir “Paris à 50 degrés : s’adapter aux vagues de chaleur”, Mission d’information et d’évaluation du Conseil de Paris, Alexandre Florentin et Maud Lelièvre.
[3] Magali Reghezza, géographe.
[4] Cour des comptes, rapport public annuel 2024.
[5] Voir les évaluations de I4CE, “Anticiper les effets d’un réchauffement de +4 °C : quels coûts de l’adaptation ?”, Vivian Dépoues, Guillaume Dolques, Morgane Nicol, avril 2024.
[6] Le GIEC définit la résilience comme la “capacité des systèmes sociaux, économiques et environnementaux à faire face à un événement, une tendance ou une perturbation dangereuse en répondant ou en se réorganisant de manière à maintenir leurs fonctions essentielles, leur identité et leur structure, ainsi que leur capacité d’adaptation, d’apprentissage et/ou de transformation.”
[7] Comme le recommandait la Mission de parangonnage sur les politiques d’adaptation au changement climatique de l’IGEDD.
[8] Scénario SSP2-4.5 du GIEC, +2,7 °C à +3,2 °C en 2100 dans le monde.
[9] Scénario SSP5-8.5 du GIEC, +4,4 °C en 2100 en moyenne au niveau mondial, soit + 5.2°C à + 8.2 °C pour la France métropolitaire
[10] Décryptage et recommandations d’utilisation pour une démarche d’adaptation au changement climatique, Carbone 4, Violaine Lepousez, Maxime Aboukrat.
[11] GIEC, AR6.
[12] Les solutions fondées sur la nature, selon l’UICN, sont “les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité”. Elles “s’appuient sur les écosystèmes afin de relever les défis globaux comme la lutte contre les changements climatiques, la gestion des risques naturels, la santé, l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire…”
[13] Les biorégions se définissent par l’adéquation entre un espace de vie et un biotope comme la géographie des bassins versants, les écosystèmes de faune et de flore particuliers ou des paysages reconnaissables (chaînes de montagnes, prairies ou zones côtières).
[14] Mission gouvernementale “Adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques“, Thierry Langreney, Myriam Mérad et Gonéri Le Cozannet.
[15] 75 départements en 2023, 93 départements en 2022.
[16] Mesure 37.
[17] La déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales du 28 septembre 2018 la définit comme “le droit des peuples de définir leurs systèmes alimentaires et agricoles et le droit à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes écologiques et durables respectueuses des droits de l’homme“.
[18] Mesure 8.