Publié par GE44

Les naturalistes en lutte montrent une espèce de plante protégée sur le site de l'aéroport de Notre dame des Landes. Sebastien Salom-Gomis/SIPA

Les naturalistes en lutte montrent une espèce de plante protégée sur le site de l'aéroport de Notre dame des Landes. Sebastien Salom-Gomis/SIPA

Par Loïc Chauveau - Le Collectif des naturalistes en lutte rend public les résultats de l’inventaire précis de la richesse biologique du site de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. 3 espèces végétales et 2 animales ont été oubliées lors des études d’impact précédentes.

PROTÉGÉS. Pendant trois ans, plus d’une cinquantaine de spécialistes des vertébrés et des invertébrés, des plantes et des arbres ont arpenté les 1200 hectares de prairies et champs qui pourraient disparaître sous l’emprise du projet aéroportuaire de Nantes (Loire-Atlantique).

"Les visites mensuelles sur le terrain ont remplacé les explorations thématiques par espèce", raconte François de Beaulieu, porte-parole du Collectif des naturalistes en lutte. Le but des naturalistes était évidemment de donner de nouveaux arguments de protection de la biodiversité aux opposants au projet. A ce titre, l’objectif est rempli : les scientifiques amateurs et professionnels ont débusqué trois espèces protégées qui n’avaient pas été repérées dans les inventaires précédents. Crossope aquatique et triton de Blasius pour les animaux, Pulicaria vulgaris, Exaculum pusillum et Sibthorpia pour les végétaux devraient donc en toute logique obliger les pouvoirs publics à redémarrer une procédure d’enquête publique. "Nous offrons ainsi une solution juridique au gouvernement pour rouvrir le dossier et réévaluer le projet sans que personne perde la face", espère François de Beaulieu.

TRITONS. Au passage, les "naturalistes en lutte" mettent en doute le sérieux des inventaires précédents. Ainsi, le triton crêté et le triton marbré avaient bien été repérés par les études précédentes, mais pas le triton de blasius, alors que celui-ci est un hybride de ces deux espèces.

Au-delà des aléas procéduraux, l’inventaire participatif des naturalistes est certainement le plus précis qui ait jamais été mené sur un bout du territoire français. Les réserves naturelles et les biotopes exceptionnels ne font pas l’objet d’études aussi précises pour des raisons de coût et de temps nécessaire à passer sur le terrain. L’opposition au projet a fait lever ces deux obstacles. "Avec 1500 espèces recensées, la richesse biologique de cet espace souvent dépeint comme ordinaire, est en réalité du même niveau que les sites Natura 2000 du département" peut ainsi assurer François de Beaulieu. Onze habitats d’intérêt communautaire au sens donné par la Directive européenne Habitat sont présents sur le site, contre 6 sur le lac de Grand-lieu, 12 en Grande Brière et dans les marais de Donges, près de l’estuaire de la Loire. 14 espèces animales retrouvées sur le site sont inscrites en annexe 2 de la Directive habitat imposant des zones spéciales de conservation pour leur préservation.

Outre ces découvertes, les entomologistes ont identifié plusieurs dizaines d’espèces nouvelles pour la région et cinq jamais répertoriées en France. Ce qui montre bien que la richesse biologique est partout beaucoup plus importante que ne pourrait faire penser une absence de classement ou de distinction naturaliste. "Cela remet en cause la notion de compensation, c’est-à-dire de recréation de zones naturelles à côté du site pour remplacer celles qui seront détruites par le projet, poursuit François de Beaulieu. Comment compenser ces espèces dont on ignore l’existence même?".

IRONIE. L’ironie de l’histoire, c’est que la richesse biologique du lieu est vraisemblablement une conséquence des retards pris par le projet d’aéroport. Pendant plus de quatre décennies, les agriculteurs ont vécu avec l’imminence d’une expulsion, ce qui ne les a pas incités à effectuer des travaux d’intensification de leurs exploitations. Les ruisseaux n’ont pas été rectifiés, les 220 mares du lieu n’ont pas été comblées, les talus n’ont pas été arasés et les prairies ont gardé leur caractère oligotrophe, pauvre en substances nutritives, induisant une faune et une flore d’autant plus exceptionnelles que ces prairies sont en voie de raréfaction. Et ils ont ainsi préservé une nature qui pourrait bien en retour sauver leurs fermes. Les résultats de l’inventaire seront publiés dans les prochains mois dans la revue Penn Ar Bed.

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