Forêts : pour la sylvoécologie

02 mai 2019

David Happe, candidat de la liste Urgence Ecologie

En France métropolitaine, un tiers de la surface (16,9 millions d’hectares) est occupé par la forêt. Depuis 1800, la superficie de la couverture forestière n’a cessé d’augmenter. D’un point de vue quantitatif, la forêt française progresse. Peut-on pour autant en déduire qu’elle se porte bien ?

Dans son remarquable ouvrage Main basse sur nos forêts, Gaspard d’Allens – journaliste du média en ligne Reporterre – dresse un état des lieux sombre et pourtant bien réel de l’évolution de la gestion forestière et de la filière bois en France. Les forêts deviennent une ressource industrielle ! Tel est le constat qu’il est amené à établir après avoir mené une longue et minutieuse enquête de terrain dans les forêts des Landes, du Morvan, d’Auvergne, des Vosges et d’ailleurs.

S’agissant de la gestion forestière, les pratiques sylvicoles ne cessent de s’intensifier et conduisent à réduire de plus en plus l’âge d’exploitation des peuplements forestiers. Les vieux arbres et le bois mort se raréfient, ce qui génère un déclin important de la biodiversité forestière. L’abattage mécanisé qui a largement remplacé le travail des bûcherons dans les plantations résineuses, provoque un compactage irréversible des sols et favorise leur érosion et leur appauvrissement. Les besoins actuels et à venir en biomasse pour alimenter des centrales thermiques de tailles démesurées sont incompatibles avec la gestion durable des ressource forestières…

Depuis les grandes tempêtes de 1999 et de 2009 qui ont dévasté de nombreuses forêts françaises, la filière bois va mal et le prix des bois ne cesse de chuter. Une part très importante de la ressource en bois brut est exportée (près d’un tiers du volume de chêne français est transformé en Chine) car il est moins coûteux de le transporter dans des porte-conteneurs à l’autre bout du monde que d’approvisionner des scieries à quelques centaines de kilomètres en France !

Et que dire de l’Office National des Forêts (ONF) qui gère la forêt publique (environ un quart de la forêt française) et dont la situation économique et sociale est particulièrement préoccupante…

Face à ce constat, des solutions existent pour « redonner vie » à notre patrimoine forestier et préserver l’équilibre entre ses fonctions économiques, écologiques et sociales. La sylviculture dite proche de la nature doit être largement encouragée et doit permettre de préserver localement des espaces forestiers en libre évolution, indispensables au maintien d’espèces inféodées aux vieux arbres et au bois mort. La valorisation économique de la forêt doit également s’appuyer sur la relocalisation des activités de transformation. Les services non productifs que rendent les forêts à notre société (captation du CO2, épuration de l’eau, lutte contre l’érosion des sols…) et au vivant en général (espèces menacées et inféodées aux habitats forestiers) doivent être valorisés afin d’encourager les propriétaires forestiers qui s’engagent dans une gestion durable et écologique de leur patrimoine. Le financement de l’ONF doit être revu afin que sa situation financière ne soit pas majoritairement dépendante des recettes liées à la vente des bois…

Enfin, comme le souligne Gaspard d’Allens, il faut également imaginer d’autres voies, celles qu’il appelle une nouvelle culture de la forêt… Développer davantage le débardage à cheval, favoriser le fonctionnement en AMAP pour la vente du bois de chauffage, imaginer de nouveaux métiers comme celui d’écogestionnaire forestier… finalement, une certaine forme de sylvoécologie.

Conseil de lecture : Main basse sur nos forêts de Gaspard d’Allens (éditions Seuil – Reporterre)