16 juillet 2020
« Je crois à la croissance écologique, pas en la décroissance verte » dixit le Premier Ministre Jean Castex dans son discours de politique générale.
« Je crois à l’écologie du mieux, pas à cette l’écologie du moins » dit le Président de la République Emmanuel Macron le 14 juillet, dans le prolongement du discours déjà tenu devant la Convention Citoyenne pour le Climat contre la « décroissance » et ceux qui veulent « produire moins ».
Tout en affirmant que « l’écologie n’est pas une option », l’exécutif pense avoir trouvé son leitmotiv contre les écologistes.
Bien sûr, ces affirmations sont terriblement classiques, et ne sont pas foncièrement nouvelles. Elles ont été maniées précédemment par tous les gouvernements successifs, adeptes de la « croissance verte » et autres bavardages contre « l’écologie punitive », avec le succès que l’on sait.
Bien sûr, l’emploi récurrent du « je crois », en dit long justement sur la croyance, de nature crypto-religieuse, selon laquelle la croissance ferait le bonheur, ainsi que sur la négation des limites planétaires implicitement revendiquée par de telles affirmations. Par définition, l’écologie est antinomique avec une conception sans limite de la croissance matérielle, laquelle repose sur la consommation d’énergie et de matière… sur une Terre aux ressources limitées. Aux faits scientifiques, aux réalités matérielles indépassables, aux conséquences vérifiables de ce modèle sur le climat et le vivant, à la relation entre croissance du PIB et émissions de gaz à effet de serre, l’exécutif oppose donc une croyance, c’est-à-dire un dogme.
Mais l’essentiel n’est pas là. Ces quelques phrases sont un réquisitoire contre l’écologie politique. Il s’agit de porter le fer dans le débat public contre les écologistes, et ainsi de développer le contenu idéologique du front anti-écologique que nous avons vu fleurir lors des élections municipales. Autrement dit, l’exécutif nie le caractère fondamentalement politique de l’écologie. Celle-ci est réduite au rang de mesures plus ou moins techniques (dont il faudra attendre la concrétisation pour évaluer la portée) qui ne constitueraient qu’un supplément d’âme pour un modèle poursuivant sa route business as usual, relancé « quoi qu’il en coûte ».
Les conservateurs, qui aiment faire de la politique « d’homme à homme » quand nous sommes écoféministes, ne conçoivent l’écologie que comme un levier de croissance malgré l’épreuve de la pandémie et les catastrophes écologiques qui invitent à tout réinventer.
Il n’y a nul hasard à ce que ces discours n’évoquent pas l’urgence écologique, ne prononcent pas le mot « Anthropocène« , n’énoncent pas les menaces présentes et à venir pour le climat, la sécurité alimentaire, nos conditions de vie, notre sécurité. Dans cette conception, l’écologie n’est qu’une dimension d’une relance économique. C’est évidemment l’inverse du projet politique de l’écologie intégrale. L’aspiration à un retour à l’essentiel, à la préservation des communs, à un changement des modes de vie, la nécessité que l’ensemble des grands choix démocratiques, économiques et budgétaires soient alignés avec cette priorité, sont passées par pertes et profits.
Ils n’envisagent pas un seul instant à quel point les citoyennes et les citoyens ne « croient » plus au productivisme qui génère autant d’inégalités et de destructions, ni à quel point les nouvelles générations considèrent que la vie en mieux passe par du consumérisme en moins. Face à la dynamique de l’écologie politique, ils se comportent un peu comme ces conservateurs du 19ème siècle qui, confrontés à l’émergence des mouvements politiques portant la question sociale, répondaient avec paternalisme par des actions de charité pour les ouvriers, mais ne pouvaient s’imaginer qu’ils puissent prétendre aux responsabilités du pouvoir.
Frottons-nous les mains ! Le grand débat fondamental entre deux visions de l’avenir radicalement opposées s’annonce. Il n’opposera pas les tenants du système actuel ou le chaos. Au travers de ces quelques déclarations, c’est bien l’écologie politique qui est désormais désignée comme la compétitrice principale du pouvoir en place. A nous d’assumer ce clivage, de le faire vivre et grandir.