21 juillet 2020
Malgré l’avancée que constitue pour la première fois le mécanisme de dette commune, le compromis qui a été arraché dans la douleur ce mardi 21 juillet au matin au Conseil Européen constitue une victoire en trompe-l’œil.
L’accord n’a été obtenu qu’au prix de coupes significatives par rapport au budget proposé par la Commission européenne. Le programme pour la santé est purement et simplement supprimé… en pleine crise sanitaire. Le développement rural est divisé par deux. L’investissement dans la recherche est encore plus drastiquement réduit. Le Fonds d’investissement pour l’écologie est lui divisé par trois (10 milliards, au lieu de 30). Le plan ne prévoit pas d’éco-conditionnalité des aides garantissant qu’il n’y aura pas d’investissements destructeurs du climat. Il s’agit d’un contre-sens et d’une erreur historique au regard de l’urgence écologique.
Sur le calendrier ensuite : l’accord, qui doit être soumis au Parlement européen, doit encore faire l’objet de tractations qui seront longues sur les modalités de mises en œuvre. Rien ne peut être attendu au mieux avant fin 2021, bien tard face à la profondeur de la crise économique et sociale qui appelle un choc d’investissements d’une toute autre ampleur pour la résilience et la transformation écologique. Concession supplémentaire aux pays dits « frugaux », l’obtention des aides du plan de relance par les Etats membres passera par un mécanisme d’examen qui s‘apparente à une usine à gaz et comporte le risque d’une mise sous tutelle par ceux qui s’érigent en gardiens de la doctrine de l’austérité.
D’autres questions s’y ajoutent :
– En pérennisant et généralisant les rabais budgétaires aux pays dits « riches », sur la méthode du chèque britannique de Madame Thatcher dont on ne voulait plus entendre parler, en acceptant que les recettes douanières européennes soient captées par les États gros importateurs comme les Pays-Bas et la Belgique, n’est-on pas en train de mettre à bas définitivement l’idée de communauté européenne et de créer les conditions de la prochaine crise européenne ?
– En édulcorant les conditions liées au respect de l’Etat de droit pour l’octroi des aides, n’est-on pas en train d’accorder un blanc-seing à Viktor Orban, au gouvernement polonais et aux autres qui seront encouragés à poursuivre leurs politiques autoritaires et les atteintes notoires aux droits des femmes ? Les cris de victoire des Premiers Ministres de ces deux pays n’augurent rien de bon !
Enfin, la dette commune d’aujourd’hui, sans mécanisme d’effacement et d’annulation, et dont l’emploi sera conditionné à des « réformes structurelles », risque de servir de prétexte à des politiques d’austérité ad vitam aeternam.
Génération Ecologie invite donc à modérer l’enthousiasme autour d’un accord qui, s’il est certainement préférable à l’absence d’accord, n’est dans son contenu clairement pas à la hauteur des défis historiques que constituent les conséquences de la pandémie de Covid-19 et l’urgence écologique.
Henri Malosse, membre du Conseil exécutif en charge de l’Europe, et ancien président du Comité Économique et Social Européen (2013-2016)