25 avril 2023
En juillet 2022, le PDG de la SNCF réclamait un plan d’investissement de 100 milliards d’euros sur quinze ans pour contribuer à la décarbonation des transports en doublant la part modale du train. En novembre 2022 par le Président de la République annonçait la création de RER dans dix métropoles. Le 24 février dernier, la Première ministre a dévoilé un plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040, à la suite de la remise le jour même du rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructure (COI) « Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leurs transitions« , le gouvernement choisissant de s’appuyer sur le scénario dit de « planification écologique » du COI.
Malheureusement, il s’agit plus d’effets de jambes du gouvernement que d’un réel plan d’adaptation et d’atténuation pour nos mobilités.
Mais tout d’abord, la SNCF et la Première ministre parlent-elles des mêmes 100 milliards d’euros ? Non, car les 100 milliards d’euros annoncés en grande pompe par la Première ministre correspondraient peu ou prou au budget prévisionnel cumulé de l’AFITF d’ici à 2040 (Agence de financement des infrastructures de transport de France), dont le budget annuel en 2023 est de l’ordre de 4 milliards d’euros.
Notons aussi que les 100 milliards d’euros du plan ferroviaire ne seront pas intégralement apportés par l’Etat, mais supportés par toutes les parties prenantes : opératrices, investisseuses, collectivités. Car depuis les instructions de la loi d’orientation des mobilités LOM, les collectivités locales à proximité des projets des grandes lignes ferroviaires contribuent au financement de ces projets. Et ce alors que les grands projets ne sont pas viables ni économiquement, ni au regard de l’environnement, ni d’un point de vue climatique (Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, Ligne nouvelle Montpellier Perpignan, etc.).
La promesse de 100 milliards d’euros n’en est donc pas une.
Dans son allocution, la Première ministre parle de moyens exceptionnels : « Ces moyens exceptionnels seront dédiés à deux objectifs : mettre un terme au vieillissement du réseau ferré existant et le moderniser (soit 1 milliard d’euros supplémentaire par an pour la régénération du réseau et 500 millions d’euros par an pour sa modernisation) ; poursuivre le développement de nouvelles lignes et développer de nouveaux services avec les RER métropolitains ».
Quand bien même, le gouvernement honorerait ces moyens exceptionnels, cet engagement ne serait valable que pour la durée du présent mandat, soit 5 ans. Et non sur la durée jusqu’en 2040. Ce qui est très loin de répondre aux besoins d’investissements nécessaires, puisque la modernisation du réseau (signalétique, système embarqué, etc.) ne se chiffre pas en quelques centaines de millions d’euros mais en dizaine de milliards d’euros !
De plus la “planification écologique” de ce plan ne prévoit pas la régénération des petites lignes ferroviaires, des trains de nuit ou des trains d’équilibre du territoire (autant de réseaux qui s’effondrent complètement) qui permettraient d’atténuer l’impact de nos mobilités sur le réchauffement climatique et d’adapter nos pratiques. Au contraire, la grande ambition du plan ferroviaire semble être cette nouvelle lubie que sont les RER métropolitains et les grands projets. Et, il est prouvé que ces grands projets se font nécessairement aux dépens des réseaux existants des petites lignes ferroviaires, donc de tout impact écologique vertueux.
L’absence de planification et l’effet d’annonce ont donc du mal à cacher les profondes incohérences du gouvernement. D’un côté, il œuvre sans vergogne à dépenser plus de 110 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire sur l’énergie pour l’activité économique du pays. D’un autre côté, il mise tout sur l’électrification de tous les usages, dont la mobilité. Et en parallèle, aucun discours cohérent n’est tenu de manière systémique sur l’énergie ni sur le retour à l’essentiel dans les mobilités du quotidien des citoyennes et citoyens : la démobilité, les modes de transports collectifs, les mobilités partagées et le vélo ? Rien.
Il n’y a donc, une fois de plus, presque rien à attendre du gouvernement, son plan ferroviaire étant d’une vacuité terrible. A l’heure de l’urgence climatique, des effondrements et alors que la question de l’énergie devient cruellement préoccupante, les citoyennes et citoyens méritent mieux que des annonces marketing qui ne sont que des rêves évanescents des politiques d’un autre âge sur les transports.
Abel Cuvidad