23 juin 2023
La guerre en Ukraine a dévasté le pays à bien des égards, et parmi les conséquences souvent négligées, l’impact environnemental est tragique et en grande partie irréversible. Alors que le conflit a causé la mort de plus de 50000 personnes et déplacé des millions d’autres, les dommages environnementaux auront des conséquences pendant des décennies.
Les forces russes ont commis des actes criminels contre la nature, causant un écocide d’une ampleur sans précédent. Les forêts ont été détruites, ainsi que des habitats essentiels tels que la plus grande étendue de steppe eurasienne restante. Les sols, l’air et l’eau de l’Ukraine ont été pollués par des équipements militaires et des produits chimiques toxiques.
Les rapports du ministère de l’Environnement ukrainien indiquent que plus de 300 millions de mètres carrés de terres ukrainiennes ont déjà été pollués, avec des conséquences graves pour les animaux et les humains, même après la fin de la guerre.
Les forces russes occupent huit réserves naturelles, treize parcs nationaux et deux réserves de biosphère, selon le Groupe ukrainien de conservation de la nature. De plus, environ 40 % du territoire ukrainien, est recouvert de champs de mines et de bombes non explosées, selon le ministère de la Protection de l’environnement et des ressources naturelles ukrainien (170.000m2 soit l’équivalent de près de 6 fois la surface de la Belgique). Ces actions ont entraîné une destruction massive de l’environnement et constituent une menace grave pour la faune et la flore locales.
Les derniers événements tragiques en Ukraine ont ajouté une dimension encore plus sinistre. La destruction du barrage Nova Kakhovka, il y a quelques jours, situé dans la partie contrôlée par la Russie, a entraîné des inondations catastrophiques qui ont englouti plusieurs dizaines de villes et des quartiers entiers de Kherson (une des plus grandes villes d’Ukraine) et ont provoqué une catastrophe écologique. Des centaines de milliers d’hectares de terre ne seront plus cultivables et deviendront désertiques, faute d’irrigation. Au moins 150 tonnes de pétrole provenant du barrage se sont déversées dans le fleuve Dniepr, causant des dommages environnementaux estimés à 50 millions d’euros (80 millions de dollars). La centrale nucléaire de Zaporijjia (la plus grande d’Europe) a perdu sa principale source de refroidissement faisant craindre un risque nucleaire majeur.
Les conséquences de cette tragédie sont terribles : des milliers d’animaux sont morts et l’eau potable n’est plus disponible pour des centaines de milliers de personnes laissant présager une catastrophe humanitaire majeure, sans que les organisations humanitaires internationales ne soient présentes en raison de la proximité du front et de la continuité des combats sur place malgré l’urgence. L’embouchure entre le fleuve et la mer Noire est devenu une véritable décharge charriant des mines, des habitations et des milliers de poissons morts sur son passage. D’énormes nappes sont visibles depuis le ciel près du port et des installations industrielles de Kherson, démontrant l’ampleur de la pollution du fleuve. Les odeurs perceptibles à Kherson laissent également penser que de nombreuses maladies pourraient rapidement se propager.
En outre, les installations nucléaires de Tchernobyl, déjà touchées par la catastrophe de 1986, ont été endommagées par les actions des forces russes, compromettant la sécurité radiologique de la région. Les incursions russes dans la zone d’exclusion de Tchernobyl au début de la guerre qui ont conduit à brûler des arbres et creuser des terres contaminées ont entraîné une augmentation de la radioactivité dans la région.
Il est crucial de reconnaître que la guerre en Ukraine a des répercussions dévastatrices sur les populations locales et la faune sauvage. Les habitats naturels sont détruits, les ressources en eau sont contaminées, et la faune est gravement affectée. Les champs de mines et les bombes non explosées représentent un danger constant pour les civils et entravent les efforts de décontamination et de reconstruction. Les mines terrestres, les produits chimiques toxiques et les polluants continuent de menacer l’environnement et la santé des populations locales.
Face à cette catastrophe environnementale sans précédent, il est impératif que la Russie soit tenue responsable de ses actes criminels. Écologistes, nous appelons à la reconnaissance de la culpabilité de la Russie dans un écocide majeur par la Cour pénale internationale. Les preuves de ces crimes environnementaux sont accablantes et exigent une réponse internationale forte.
La protection de l’environnement ne doit pas être sacrifiée sur l’autel des conflits armés. Nous devons faire pression sur la communauté internationale pour qu’elle prenne des mesures fermes afin de prévenir de telles catastrophes à l’avenir et de garantir que les responsables soient traduits en justice.
La guerre en Ukraine a provoqué une catastrophe écologique dévastatrice. Les forces russes ont commis un écocide en détruisant des habitats naturels, en polluant les sols, l’air et l’eau, en mettant en danger la vie animale et en menaçant la santé des populations locales. Il est temps d’agir et de tenir la Russie responsable de l’ensemble de ces crimes.
La Cour pénale internationale doit reconnaître cet écocide et poursuivre les responsables. La protection de l’environnement doit être une priorité absolue, même en temps de guerre.
Quentin Guillemain
© photo : Alina Skokova