05 octobre 2023
Mardi 3 octobre 2023, Paris, lors d’une soirée Epop& organisée par l’Institut des futurs souhaitables, Delphine Batho était invitée à interviewer Hadrien Klent, auteur de Paresse pour tous et de La vie est à nous, deux romans qui nous projettent dans une alternative politique décroissante où le présidentialisme a été aboli.
La dilogie décroissante d’Hadrien Klent
Cette dilogie, que certaines et certains qualifieraient d’utopique, nous emporte avec poésie dans la campagne présidentielle d’Emilien Long, prix Nobel d’économie imaginaire, entouré d’une équipe éclectique qui porte pour mesure centrale la réduction du temps de travail à 15h par semaine. Le second roman (pardon de dévoiler l’issue du premier !) nous emporte quant à lui dans l’expérience du pouvoir d’Emilien Long et de son équipe. Emilien nous partage alors ses doutes sur la traduction dans le réel des idées qu’il a portées. Et pour y arriver, la solution s’impose à lui : il ne peut être seul aux manettes, il faut sortir du présidentialisme !
Ces fictions s’inspirent de la vie réelle et s’ancrent dans des situations que nous avons toutes et tous connues telles que le confinement, ce qui permet à chacune et chacun de mieux se figurer les possibilités que suggèrent les deux ouvrages.
Paresse pour tous et La vie est à nous offrent un échappatoire à une actualité politique et climatique déprimante. Chacune et chacun constate l’accélération du changement climatique, constate qu’il fait plus de 30 degrés en France un 1er octobre et que c’est anormal. Face à cela, des partis politiques traditionnels se retrouvent démunis, sans consistance et sans organisation, et donc sans crédibilité. Nous nous savons face à un raz de marée climatique qui changera le monde, que nous le voulions ou non. Les petites mesures et les compromis sont dépassés. Ce qu’il nous faut c’est créer un élan d’espoir, un récit pour nous projeter dans l’avenir, qui nous permet d’y croire.
Ainsi, Paresse pour tous nous offre ce plaisir : nous projeter dans ce à quoi pourrait ressembler une véritable dynamique politique où le collectif et la démocratie sont centraux, où l’envie commune de changer le monde est porteuse.
L’interview d’Hadrien Klent par Delphine Batho
Lors de leur entretien, Hadrien Klent et Delphine Batho ont échangé sur le contenu de ces romans et confronté l’histoire à la réalité, tenté de construire des ponts entre la fiction et le réel.
Hadrien Klent a imaginé un personnage en quête du pouvoir puis en situation de responsabilité en partant d’un point de départ qu’est la semaine de 15h. Il explique s’être inspiré de l’An 01 : “On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste”. Rappeler ce rêve des années 70 selon lequel un petit pas de côté peut tout changer. Hadrien Klent constate qu’ « en 2021, on n’a plus cette fraîcheur, on a eu trop de déconvenues, on ne peut plus être simplement dans le rêve ».
Il est intéressant d’entendre Hadrien Klent raconter son travail d’écriture du personnage d’Emilien Long. Initialement, Emilien n’était pas prix Nobel, Hadrien Klent explique s’être confronté à un cul de sac narratif, sa candidature ne pouvait pas être crédible, il lui fallait une “arme symbolique”. Il lui fallait une crédibilité, c’est ainsi qu’Émilien est devenu Nobel. Hadrien Klent raconte : « J’ai été libéré et j’y ai cru moi-même ». Dans la réalité, pour Delphine Batho « le mouton à cinq pattes comme Emilien Long n’existe pas » seule une équipe pourra espérer enclencher une telle dynamique.
Emilien Long porte un projet social partant d’une mesure qui enclenche un basculement de la société vers la décroissance, le bien-vivre. « Mon objectif était de connecter l’intime et le monde global dans lequel on évolue. » souligne Hadrien Klent.
Interrogée par le public présent à la soirée Epop&, Delphine Batho explique que l’écologie politique française, européenne et même mondiale ne répond pas au niveau de conscience des enjeux de la population. Les projets politiques formulés ne sont pas à la hauteur de l’urgence et semblent donc vides de sens. C’est l’ensemble du discours politique qui a été contaminé par le discours technocratique qui parle de mesures, de chiffres sans dimension de récit, de poésie. Si l’enjeu est de parler à tout le monde, la porte d’entrée doit être le sensible. Proposer de changer de mode de vie pour une émancipation individuelle et collective.
Le projet écologique doit être celui du plus de bonheur, plus de temps, plus de liens, moins de consommation, moins de pollutions…
Le constat posé par Delphine Batho est que » le système actuel ne produira que ce qu’il produit actuellement, à savoir quelque chose de pas très intéressant et extrêmement dangereux. […] Le moment est venu de renverser le régime présidentiel actuel. » Dans le système actuel, explique-t-elle, » le pouvoir est organisé structurellement pour vous couper de votre vie, des gens et donc quand on exerce des responsabilités, il faut le savoir, l’avoir anticipé et mettre en place un programme d’évitement de ces effets pour ne pas être prisonnier du système ».
La conclusion est claire, nous ne devons pas avoir peur de rêver et de partager ces rêves de mieux, de beau, de vie, de partage… Appel à toutes les rêveuses, à tous les rêveurs, aux poètes, aux écrivaines, aux écrivains, aux cinéastes, aux photographes, aux dessinatrices, aux dessinateurs, aux musiciennes, aux musiciens, aux danseuses, aux danseurs etc. :
Créatrices, créateurs, ne soyez pas spectatrices, spectateurs !
La politique demande à être nourrie, la politique vous pouvez la faire, les solutions émergent de nos imaginaires à force de rêver d’un avenir commun plus grand, plus vertueux, plus heureux.
L’imaginaire est notre porte vers l’avenir, il doit créer l’espoir commun pour que la politique retrouve sa valeur et n’ait plus peur d’embrasser le changement radical qui s’impose.
Nina Géron, Cécile Faure, Estelle Narbonne et les nombreuses et nombreux utopistes pragmatiques de Génération Écologie