17 mars 2019
Le billet de David Happe
« Il ne faut pas dissocier l’humanité et la nature : il est important de se dire que, pour nous comprendre, on doit aussi prendre en considération notre environnement…«
Richard Powers, « L’arbre monde » (Cherche Midi), grand prix de littérature américaine 2018.
Le déclin de la biodiversité atteint aujourd’hui une ampleur sans précédent. Dans l’hexagone, il ne s’agit pas – encore – de disparitions massives d’espèces mais d’une réduction très importante de leurs populations, en particulier pour celles qui sont les plus exigeantes quant à la qualité de leur milieu de vie. Des espèces, naguère très communes, comme le Lapin de garenne ou le Lièvre sont en régression. Le constat est encore plus préoccupant pour d’autres espèces qui figurent aujourd’hui dans la liste rouge des espèces menacées comme le martin-pêcheur, le chardonneret élégant, le brochet, le Glaïeul des marais et environ huit cents autres espèces en France métropolitaine (source : comité français de l’union internationale de la conservation de la nature). Les causes sont multiples et principalement liées aux activités humaines. L’artificialisation des sols, la dégradation et la banalisation des milieux naturels sont les causes les plus visibles. L’intensification des pratiques agricoles et de la gestion forestière concourent tout autant au phénomène de même que la sur-exploitation des ressources naturelles et le changement climatique.
Pendant très longtemps, nos concitoyens n’ont été que peu informés sur cette érosion massive de la nature et généralement qu’au travers d’exemples d’espèces emblématiques qui ne faisaient pas partie de leur environnement quotidien. Depuis quelque temps, les grands médias s’emparent des résultats scientifiques qui révèlent un déclin massif de la nature ordinaire (oiseaux communs et insectes notamment) et l’on ne peut que les encourager à poursuivre dans ce sens. Pour que nos concitoyens prennent conscience des graves menaces qui pèsent sur la Nature, il est en effet important de s’appuyer sur des exemples locaux qui concernent davantage des espèces, des milieux et des paysages qu’ils côtoient dans leur quotidien.
Au-delà de cet effort de sensibilisation, les Terriens doivent se réconcilier avec la Nature dont ils font intimement partie. L’espèce humaine ne compose que très partiellement la biosphère (à peine trois pour cent de la biomasse animale) et n’est finalement qu’une espèce parmi… plus d’un million connues et probablement sept millions d’espèces – peut-être plus – qui restent à découvrir… Pour que cette réconciliation puisse avoir lieu, nous devons nous ré-intégrer dans la nature, ré-apprendre à la connaître pour, enfin, mieux la respecter. Même si celle-ci reste encore timide, la prise de conscience en la matière évolue plutôt favorablement. Il convient maintenant de l’amplifier. Les possibilités d’agir sont nombreuses. En voici trois exemples.
Dans le cadre des programmes de sciences participatives centrés sur la biodiversité, l’implication de nos concitoyens s’est nettement accrue ces dix dernières années et nous sommes aujourd’hui plus de 50 000 chaque année à nous mobiliser (source : observatoire national de la biodiversité). Ce type de démarche, qui vise à associer le citoyen dans le suivi scientifique de la biodiversité, nous rend acteur de la connaissance de la nature et de son évolution. A l’image de l’élan qu’ont pris les sciences participatives dans les pays anglo-saxons, nous devons nous investir davantage pour mieux connaître la biodiversité qui nous entoure et les processus qui entraînent son déclin.
Dans le cadre scolaire, il importe tout autant de ré-investir le champ de l’apprentissage de la nature. Si de nombreux enseignants s’engagent auprès des plus jeunes pour permettre cette reconnexion à la nature, force est de constater que celle-ci présente encore trop souvent une dimension abstraite pour les plus jeunes. Les adultes que nous sommes n’avons pas su, le plus souvent, préserver les connaissances que les générations passées avaient acquises sur la flore et la faune qui nous environnent au quotidien. Il importe que nous donnions aux plus jeunes la possibilité de se les ré-approprier.
S’agissant de nos concitoyens résidant dans des espaces urbains – en apparence – éloignés de la nature, il est nécessaire de leur porter une attention toute particulière. La nature peut être partout, encore faut-il être en capacité de la laisser s’exprimer et de la rendre accessible à tous. Pour y parvenir, les actions visant à favoriser la biodiversité urbaine doivent être encouragées. Dans certaines grandes villes ayant depuis plusieurs années mis fin à l’usage des pesticides et développé une gestion respectueuse et différenciée de la biodiversité, la nature ré-investit les lieux. Dans certains cas, ces espaces urbains redeviennent parfois de nouveaux sanctuaires pour la nature ordinaire qui a fui les territoires périphériques voués à une agriculture intensive et hyperspécialisée. Lutter contre le déclin de la biodiversité impose des mesures d’urgence de grande ampleur tant pour préserver les espaces naturels les plus remarquables que la nature commune de notre environnement quotidien. Stopper l’artificialisation des sols, désintensifier l’agriculture et la gestion forestière, permettre à la biodiversité de réinvestir les espaces urbains et les espaces dégradés… sont autant de mesures qu’il faut engager. Mais, de manière concomitante, pour que les Terriens que nous sommes agissions dans ce sens, il importe que nous puissions enfin nous réconcilier avec la nature.