03 janvier 2022
Pour terminer en grande pompe une année marquée par la pandémie de COVID-19, l’abandon de l’hôpital public et des soignantes, les effets dévastateurs du réchauffement climatique, 113 féminicides et une crise migratoire qui n’en finit plus, le Président Macron et le gouvernement ont pris un arrêté à l’encontre de toute logique concernant l’interdiction de la vente de fleurs et feuilles de CBD (Cannabidiol).
Le CBD, désormais vendu dans de nombreuses boutiques spécialisées, permet depuis quelque temps à des milliers de personnes de trouver une alternative non psychotrope et légale au cannabis, et à de nombreux anciens fumeurs de cannabis de se sevrer. Contrairement au cannabis, il contient un taux négligeable de THC (Tétrahydrocannabinol, la substance active du cannabis) et a pour conséquence d’apporter uniquement un léger effet relaxant aux utilisateurs que ce soit pour des raisons médicales (douleurs liées à la sclérose en plaques, au cancer ou autres pathologies) ou des raisons récréatives.
Cette décision soudaine va conduire ces personnes à de nouveau se tourner vers des dealers, au risque de leur santé et faisant ainsi un formidable cadeau aux trafiquants.
Cet arrêté a déjà donné lieu à des recours, car cette décision va à l’encontre du droit européen. En 2020, la Cour de justice de l’Union européenne retoquait la France sur ce sujet : ce qui est illégal n’est pas la vente de CBD mais son interdiction. Cet arbitrage s’appuyait sur les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui certifie l’absence de problèmes de santé liés à la consommation de CBD. Fin mai 2021, Matignon autorisait ainsi la commercialisation mais aussi la culture de CBD dès lors que leur teneur en THC (la substance active du cannabis) était inférieure à 0,20%. Restait prohibée la mise sur le marché de sommités florales ou de feuilles brutes, une restriction justifiée par des motifs de santé publique et d’ordre public.
Le gouvernement devait donc rédiger un nouvel arrêté, l’envoyer à la Commission européenne. Les États membres de l’Union européenne avaient alors six mois pour poser des questions à la France avant une possible publication au Journal officiel. C’est chose faite.
L’arrêté publié ce vendredi 31 décembre « autorise la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L. » dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,30 %, remontant ainsi la teneur en THC autorisée préalablement de 0,10%. Pourquoi ? On ne sait pas. Mise en conformité avec l’Europe ? Amateurisme ? Faute de frappe ?
De plus « les fleurs et les feuilles des variétés mentionnées (…) ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation« . Exit donc les tisanes au CBD aux vertus relaxantes, la vente de fleurs et de feuilles brutes. Huiles, baumes, produits pour e-cigarettes et crèmes sont par contre toujours autorisés. Autrement dit, la problématique de santé publique n’en est donc pas réellement une. De même, des tests permettant de différencier CBD et cannabis existent et sont utilisés par des polices en Europe et en Suisse. On comprend donc que la problématique d’ordre public n’en est pas une non plus.
Alors à quoi joue le gouvernement ? Les premières victimes seront les entrepreneurs français qui vont du jour au lendemain se trouver en possession de produits devenus illégaux. Selon les spécialistes de la filière, la vente de fleur de chanvre représente 50% à 70% du chiffre d’affaires des détaillants, alors que dans toutes les villes ont jailli ces dernières années des échoppes de CBD, que le marché est en pleine croissance, qu’il génère aujourd’hui déjà entre 200 et 400 millions d’euros en France et 8,3 milliards d’euros en Europe en 2020.
Le SPCBE (Syndicat professionnel du chanvre bien-être) estime même que la taille du marché du CBD en France pourrait générer 1,5 milliard d’euros dans quelques années.
Pourquoi vouloir anéantir une industrie en pleine croissance, a priori sans dangerosité, si ce n’est pour des raisons dogmatiques et électorales ?
Le rôle de l’État n’est pas de se cabrer contre le changement ou de se plier à la nostalgie du passé, mais d’accompagner les évolutions de la société et de les réglementer pour éviter les dangers. Or cette décision va à l’encontre de ce qu’elle veut soi-disant défendre : l’ordre public peut très bien être gardé, il suffit de fournir à la police les tests appropriés.
S’il y a urgence à interdire, ce sont les néonicotinoïdes, c’est la pollution des grandes usines pétrochimiques, c’est la destruction des zones sauvages ou, comme l’avait promis le président sortant, la vente d’œufs de poules élevées en cage !
Cécile Faure et Pierre Emmanuel Hautot
Sources :