13 mars : journée européenne pour la décroissance du trafic aérien

12 mars 2024

N’en déplaise aux cyniques, la décroissance est le seul chemin pour nous sortir des trajectoires d’effondrements climatiques, environnementaux et sociaux. Un nouvel exemple est donné avec la journée européenne de mobilisation pour le plafonnement du trafic aérien, qui a lieu mercredi 13 mars 2024. Un appel lancé par les réseaux Rester sur Terre et l’UFCNA (Union Française Contre les Nuisances des Aéronefs) :  “Il n’y a donc pas d’autre solution à court et moyen terme que de mettre un coup d’arrêt à la croissance du trafic aérien et de le réduire progressivement pour limiter ses impacts à la fois sanitaires et climatiques.”

Génération Écologie se joint à cet appel, dont vous pouvez signer la pétition ici.

Les perspectives et les nuisances d’un triplement du trafic aérien annoncé d’ici 2050 sont abyssales. 

La pollution sonore liée au trafic aérien est néfaste pour la santé des habitantes et des habitants à proximité d’un aéroport : “la surexposition au bruit aérien fait exploser les maladies cardio-vasculaires avec, pour chaque augmentation de 10 décibels, un surcroît de mortalité évalué à 18 % et allant jusqu’à 28 % pour l’infarctus du myocarde “ dénoncent plus d’une centaine de professionnels de santé dans cette tribune.

L’impact climatique de l’aviation est désastreux. Selon l’Ademe, les émissions de carbone du transport aérien ont augmenté de 85 % entre 1990 et 2019. En 2022, les émissions s’élevaient à 16,2 millions de tonnes de CO2, soit 4 % des émissions globales françaises – soit 1,5 fois plus qu’il y a 30 ans. Et ce sans compter les effets des traînées de condensation dans le sillage des avions qui amplifient l’impact sur l’effet de serre. Ce forçage radiatif peut multiplier par 2 à 3 les effets du CO2 via les émissions à haute altitude d’oxydes d’azote (NO2), de vapeur d’eau et de particules fines. Comprenons donc, toutes choses égales par ailleurs, ce que représenterait un triplement du trafic d’ici à 2050 !

Quant à l’impact environnemental, le Haut Conseil pour le Climat rappelle que « la part de carburants alternatifs fortement décarbonés et probants en termes de bilan environnemental et énergétique global, tel que la deuxième génération de biocarburants ou le kérosène synthétique n’est pas mesurable ». Si la réglementation européenne adoptée en 2023 (RefuelEU Aviation) donne la trajectoire de la part des « carburants d’aviation durables » (carburants prétendus “bio” et carburants de synthèse), près de 30% des carburants seraient toujours fossiles en 2050.  Et ce sans compter que les technologies de production des carburants de synthèse ne sont pas neutres en émission de CO2, et que leur impact environnemental est démesuré. L’augmentation du trafic aérien annihilerait tous les effets d’une soi-disant carburation moins carbonée.  

Ces perspectives sont d’autant plus préoccupantes que le secteur aérien reste toujours la niche fiscale “intouchable”. En France, la fiscalité avantageuse a représenté un manque à gagner de 4,7 milliards d’euros pour l’Etat en 2022, selon Transport et Environnement. Sans aucune réforme de la fiscalité aérienne, le manque à gagner augmentera de 30 % d’ici 2025, au fur et à mesure de la croissance du secteur aérien. Un gouffre d’exonérations au détriment en particulier du train.

Loin des croyances technosolutionnistes, à l’instar du mythe de l’avion soi-disant “vert” ou à hydrogène, qui relève de l’hypothèse approximative pour un futur lointain, alors que l’urgence de la transformation écologique et sociale est à réaliser maintenant, la décroissance du secteur aérien n’est donc pas une option ou une lubie, c’est un impératif ! À ce titre, le Haut Conseil pour le Climat et l’Agence internationale de l’Énergie ont déjà énoncé en 2022 des conclusions qui vont dans le même sens que cet appel du 13 mars 2023 : le « secteur aérien doit engager sa décarbonation [notamment] par la maîtrise de la demande ».

Dès 2019, Génération Écologie avait défendu un programme clair
– suppression des liaisons aériennes pour lesquelles il existe une alternative en transport en commun en moins de 5 heures.
– Baisse du prix du train, relance des trains de nuit
– Augmentation du prix des vols via une taxe immédiate sur le kérosène – ou via la taxe d’aéroport – pour les vols intracommunautaires.

La Convention Citoyenne pour le Climat, à son tour, avait proposé de supprimer les liaisons aériennes inutiles, substituables par un trajet en train de moins de 4 heures. Le gouvernement a saboté cette proposition, dont il n’est resté qu’une peau de chagrin dans la (fausse) loi climat. 

Surtout, nous militons pour le plafonnement du trafic aérien par un mécanisme de quota carbone individuel limitant l’usage de l’avion. C’est le sens de la proposition de loi déposée par Delphine Batho avec François Ruffin à l’Assemblée nationale en juin 2020. Elle reste plus que jamais d’actualité !

Comme le dit Bruno Latour, “il va falloir atterrir” ! 

Abel Cuvidad et Cécile Faure