Publié par Génération Ecologie

10eme Convention de Génération Ecologie, Montpellier, 29 novembre 2014.

Contribution de Michel Villeneuve

Directeur de recherche au CNRS

Vice-Président de GE

L’écologie, qui est entrée en scène dans les années 1970 et progresse dans les actions politiques et dans les mœurs des particuliers, stagne dans les élections depuis 1990, malgré de hauts et des bas. C’est le résultat de dilemmes que les écologistes n’ont pu résoudre.

Quels sont ces dilemmes ?

-Dilemme entre les attentes de la population et les propositions des écologistes.

En effet, les écologistes anticipent et donc préviennent des problèmes futurs alors que la population demande qu’on s’occupe de ses problèmes immédiats.

Seuls ceux qui n’ont pas de problèmes urgents à résoudre sont sensibles aux demandes des écologistes. Or, cette tranche de la population se réduit au fur et à mesure que la crise économique progresse. Les propositions des écologistes étaient certes bonnes puisqu’elles sont progressivement mises en œuvre. Elles avaient seulement l’inconvenant d’avoir 20 ans d’avance.

-Dilemme de compréhension des problèmes écologiques par l’opinion publique et par les responsables politiques:

Chaque camp voit l’écologie différemment. Pour les écologistes il s’agit d’une approche globale et sociale et pour les responsables politiques, il s’agit d’une approche locale et technique.

Depuis René Dumont rares sont les écologistes à avoir influencé l’opinion publique. Daniel Cohn-Bendit en fait parti. Il y a une méfiance générale envers les écologistes qui débattent à coup de slogans plutôt qu’avec des raisonnements étayés et chiffrés. L’opinion peu encline à assumer les efforts demandés par les écologistes, préfèrent les démagogues qui ont l’avantage de donner bonne conscience aux citoyens en les déculpabilisant. Je pense notamment à Claude Allègre qui nie le rôle de la société humaine dans le changement climatique. Face à ces faux devins, les écologistes ne trouvent pas les arguments scientifiques convaincants.

-Dilemme avec les medias (à double tranchant).

Comme tout groupe qui veut se faire entendre, les écologistes ont besoin des médias. Mais le media est une arme à double tranchant qui demande beaucoup de maitrise dans son utilisation. En effet, seul ceux qui font le « buzz » intéressent les médias. Et pour faire le « buzz » il faut des conflits, des manifestations ou des postures extrémistes voire caricaturales qui finissent par discréditer l’ensemble du corps des écologistes.

-Dilemme entre Ecologie associative et Ecologie politique.

Pour les écologistes politiques les associatifs mènent des combats trop locaux et sont parfois subventionnés par des hommes politiques ou par des lobbies anti-écologiques, ce qui limite leur champ d’action. Exemple: Greenpeace qui fut longtemps subventionné par des compagnies pétrolières n‘a jamais fait campagne contre les marées noires.

A l’inverse, les associatifs reprochent aux écologistes encartés d’être trop partisans, c'est-à-dire inféodés à un camp politique à l’instar des anciens dirigeants syndicaux qui étaient aussi inscrits au Parti Communiste.

-Dilemme entre l’intransigeance idéologique et le compromis social.

Autant les écologistes français sont aptes au compromis lorsqu’il s’agit d’alliance électorale, autant ils sont intransigeants sur leur programme. Quand les programmes reposent sur des idées fixes ou des propositions irréalisables, il ne faut pas s’étonner qu’ils provoquent la méfiance des citoyens.

-Dilemme entre les ambitions mondialistes et la pratique du groupuscule replié sur lui-même

Le meilleur exemple est l’échec de la coopérative écologique de Daniel Cohn-Bendit qui est redevenu le parti « LES VERTS » 2eme version.

De ce fait, les nombreux partis écologistes Français n‘ont ni la taille ni l’impact des partis écologistes allemands ou belges.

Comment les résoudre ces dilemmes ?

La tache n’est pas insurmontable mais comme il ne faut pas croire que l’opinion politique ni d’ailleurs le milieu politique lui-même changeront de position rapidement, ce sont aux écologistes de s’adapter à leurs interlocuteurs.

L’écologiste du XXIème siècle doit donc :

-Etre à l’écoute.

C'est-à-dire ne pas vouloir imposer de force son opinion ou ses solutions (par exemple l’écotaxe). Il faut proposer des solutions acceptables même si elles sont imparfaites.

-Etre cohérent.

On ne peut pas, en écologie moins qu’ailleurs, avoir une réalité contraire à ses propositions. Exemple : faire de la politique « autrement » ne veut pas dire « faire pire » que les politiciens les plus caricaturaux.

-Etre Innovant :

Les écologistes sont en général de gens innovants mais le public a l’impression qu’ils continuent à s‘accrocher à des innovations déjà fort anciennes et parfois dépassées.

Etre innovant c’est innover tous les jours et non pas une fois pour toutes.

-Etre pédagogue :

Etre Pédagogue ne consiste pas à répéter sans arrêt les mêmes tabous et à marteler des mêmes slogans même si la pédagogie se doit d’être répétitive.

Etre Pédagogue, c’est faire appel au raisonnement logique et scientifique appuyé par des chiffres vérifiables et ce, au contraire du débatteur professionnel qui va passer son temps de réponse sur la seule faille trouvée chez son interlocuteur.

Le meilleur pédagogue actuel de l’écologie est hors parti ; il s’agit de Nicolas Hulot.

-Etre Diplomates :

L’écologie, au contraire des règles de vie en société, ne peut être le résultat d’un compromis avec la nature car on ne peut pas infléchir, par un pacte signé, les règles de la nature. C’est l’homme qui doit s’adapter à la nature et non l’inverse. La diplomatie doit jouer son rôle mais entre les composantes de la société humaine. Pour cela les écologistes doivent faire preuve de suivi dans leur démarche et ne pas changer d’alliance ou de positon au gré des élections.

-Etre Patients

L’écologiste, tel un prophète, voudrait que ses propositions soient acceptées instamment par monsieur ou madame « tout le monde ».

Or, la plupart des humains sont comme Saint Thomas : ils ne croient que ce qu’ils voient. Seule l’expérience personnelle à valeur de vérité. C’est dommage parce que la base de l’écologie c’est d’anticiper les catastrophes et non de les commenter. Cela demande beaucoup de patience et de longueur de temps, mais il faut l’accepter. On ne jugera l’Ecologie que sur la durée.

-Oeuvrer à la réconciliation des écologistes politiques et associatifs.

Déjà que le milieu écologistes est fortement restreint par rapport à ses ambitions et face aux puissants lobbies anti-écologiques, la séparation entre écologistes associatifs et politiques ne fait que diminuer le potentiel et l’efficacité des défenseurs de l’écologie.

-Intégrer la culture du mouvement « populaire » plutôt que de cultiver sa différence.

Enfin l’écologie deviendra « l’épine dorsale » de la politique lorsque les partis écologistes deviendront des partis de masse (populaires) et non des clubs élitistes ou seuls les initiés peuvent s’y rencontrer.

-En conclusion

A voir toutes les qualités qu’on demande à un bon écologiste du 21eme siècle, on devrait le rechercher parmi les saints ou les surhumains !

Mais, à défaut de trouver ces « oiseaux rares » pour surmonter les dilemmes qui freinent l’essor écologiste, on peut se mettre d’accord sur deux critères, l’un intellectuel et l’autre politique :

- Etre « Réaliste et Responsable ».
- Rester au « centre » du jeu politique et au « milieu » de l’échiquier politique pour pouvoir dialoguer avec tout le monde.

Ce qui ne serait déjà pas si mal.

Les dilemmes de l’Ecologie au XXIème siècle.
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