Les carburants - par Bernard Boutevin
Des carburants actuels « pétrosourcés » (issus du pétrole)…
… aux carburants du futur, les carburants « biosourcés » (issus de la biomasse)
Par Bernard Boutevin, chimiste, professeur émérite, chercheur.
Les carburants issus du pétrole comptent plus de cinquante années de recherche. Il y a deux sortes de carburant automobile : l’essence et le diesel. La différence est le nombre d’atomes de carbone qui les constituent. C8, 8 atomes en moyenne pour l’essence, C16, en moyenne, soit environ le double, pour le diesel.
Les carburants contiennent également divers additifs afin notamment de les maintenir à l’état liquide, éviter les phénomènes de cristallisation. La recherche dans ce domaine est toujours très active.
Je n’aborderai pas ici les problèmes de particules qui sont un problème spécifique au diesel. L’autre problème récurrent est celui de l’indice d’octane pour l’essence pour lequel on a abandonné le plomb tetraethyl au profit du benzène (cancérigène !).
En réalité, rien n’est simple et l’on passe d’un problème à l’autre sans disposer d’une solution claire et définitive. Trop souvent, on remplace un produit par un autre, sans avoir évalué la toxicité du produit de remplacement.
Alors, qu’en est-il pour les carburants biosourcés ?
I – Le cas du diesel :
Il faut une molécule avec un nombre d’atomes de carbone conséquent, autour de 16 et il faut, bien sûr, que le produit reste liquide.
On a pensé aux huiles naturelles qui sont des triglycérides dont je rappelle la structure.
Voir illustration 1
La chaine globale de l’acide contient 18 atomes de carbones.
Les variables sont x, y, z, et là on varie de y=o, c’est-à-dire les huiles saturées dangereuses pour la santé (palmitique par exemple) jusqu’aux huiles de colza, olive et même des algues, pour lesquelles y varie de 1 à 4.
Pour les huiles alimentaires, plus y est grand, meilleure est l’huile pour la santé.
Pour les carburant y ne doit pas être nul sinon il y a cristallisation.
Ceci est un rappel général sur les huiles qui sont un produit de base pour l’alimentation.
Structurellement, ces huiles alimentaires sont proches du diesel, ce qui a donné l’idée saugrenue de les utiliser pour remplacer le diesel alors que 1/8 de la population mondiale souffre de malnutrition !
Comment fait –on du diesel avec de l’huile de palme ?
On transestérifie, l’on transforme un ester en un autre ester. À savoir : on transforme les huiles végétales par du méthanol (encore une idée stupide puisque le méthanol est pétrosourcé CO/H2) afin d’obtenir un ester méthylique d’acide gras (la chaine en C18 latéral) avec lequel on fabrique le diesel.
De plus, si l’on fait un bilan massique de l’opération, on obtient 1/9 de glycérol et 8/9 d’acide gras (sans compter le méthanol). Ce bilan montre la stupidité de l’idée, car les pertes sont conséquentes, même si toutes les grandes sociétés chimiques impliquées ont cherché des valorisations de ce glycérol (acide acrylique, 1-3 propane diol, etc.)
Cependant, c’est effectivement ce que l’on fait, chez nous, dans le Languedoc-Roussillon dans une usine de Sète (SOFIPROTEOL). Notre région compte aussi une usine à Perpignan qui transforme l’huile de palme. Je peux par conséquent dire que notre bilan régional est loin d’être exemplaire.
II – Le cas de l’essence:
Pour l’essence, c’est l’éthanol ou ses dérivés qui doivent se substituer aux alcanes en C8 du pétrole. L’éthanol étant volatil, on utilise souvent des éthers d’éthanol pour l’alourdir. Le principal s’appelle l’ETBE qui est un adduit (l’addition) de l’éthanol sur l’isobsutylène.
À nouveau un dérivé du pétrole qui rend le biocarburant nettement moins bio !
Selon la réaction décrite dans l'illustration 2.
Quant à l’éthanol que l’on va transformer, il est actuellement produit à partir de la biomasse, principalement à nouveau de produits utilisés pour l’alimentation humaine, la betterave sucrière, la canne à sucre.
On appelle cela l’éthanol 1ere génération. Pendant ce temps, des recherches intensives sont faites pour utiliser des matières de base non alimentaires, les déchets végétaux, et même les algues, c’est ce qu’on appelle l’éthanol 2ème génération.
Ces travaux font appel aux biotechnologies (bactéries et enzymes) et sont sans aucun doute l’avenir de la filière. La principale ligne de recherche part de la cellulose (ou hémicellulose). Elles sont transformées par les bactéries en sucres alimentaires. Ces derniers sont ensuite remodifiés par d’autres bactéries/enzymes pour aboutir à l’éthanol.
L’Europe a subventionné des recherches : ce sont les projets FUTUROL, BIOCORE (dans lequel CIMV est l’un des principaux partenaires et a été validé récemment).
Ces recherches sont l’avenir de la filière. Les biocarburants de première génération doivent être abandonnés. Qu’il s’agisse du diesel ou de l’essence les procédés de fabrication impliquent de recourir à des dérivés du pétrole. Quant à l’éthanol de première génération, il entre en concurrence avec l’alimentation humaine. Ce n’est pas tolérable.
Bernard Boutevin.