Et maintenant où allons-nous ?
Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas, cela fait des décennies que le monde agricole est confronté à d’énormes difficultés devant nos yeux de citoyens.
Toutes les filières du monde paysan sont touchées.
Nous avons regardé disparaitre un nombre incalculable d’exploitations sans jamais considérer que c’était aussi notre problème et qu’un jour nous serions amenés à nous en mordre les doigts ; nous nous considérions en ces temps à l’abri de ce qui arrivait aux agriculteurs, qui « devaient quand même être un peu responsables » « voire c’était de leur faute ».
Nous avons ainsi laissé nos politiques de tous bords essayer de gérer sans jamais réussir.
Nous ne pouvons pas reprocher aux agriculteurs d’être endettés car c’est notre mode de fonctionnement et de consommation qui les a amenés pour la plupart dans cette situation par la volonté d’une production de masse toujours plus importante.
Car ce n’est pas aujourd’hui que nous découvrons tous, avec nos airs ébahis, ce qui amène le monde agricole à descendre dans la rue.
Les mauvaises habitudes alimentaires de nos concitoyens.
L’arrivée de la bouffe « A l’américaine »
Le refus de payer au juste prix les produits
Le changement dans les choix prioritaires, où manger a perdu sa place primordiale.
Le ralentissement de la consommation par le choix du culte du corps.
Le remplacement des métiers de force par ceux du tertiaire plus sédentaires.
Le refus de perdre du temps que l’on préfère consacrer aux loisirs en allant s’approvisionner dans les grandes surfaces alors que l’on s’approvisionnait auparavant à proximité.
En quittant les cuisines, lieux de convivialité pour prendre nos repas devant la télévision.
Qu’un gouffre s’est installé entre les producteurs que l’on pourrait appeler industriels et ceux que l’on appelle à taille humaine.
Que l’on a fait le choix au plus haut niveau d’une agriculture de masse plutôt qu’une agriculture de qualité et de proximité
Que le grand débat national regroupant tous les acteurs du producteurs jusqu’au consommateur final n’a jamais été ouvert.
Que le consommateur s’est de plus en plus éloigné des lieux de production au point pour certains, de n’avoir jamais vu une vache ailleurs qu’en photo.
Maintien des modes de production de nos aînés en tournant le dos aux évolutions de la société.
N’oublions pas que les crises ont ouvert la porte au bétonnage de nos espaces ruraux ; entre 2006 et 2014 2 tiers des 500 000 hectares artificialisés au profit des habitations, des parkings et des routes ont été gagnés sur les terres agricoles.
Quelle est la limite que nous sommes prêts, tous ensemble, à nous fixer pour améliorer le sort et l’avenir des agriculteurs en améliorant en cela le nôtre ?
Que sommes-nous capable de remettre en cause dans notre modèle, car nous ne pourrons pas continuer à nous plaindre sans en modifier le fonctionnement.
Nous ne pouvons pas nous plaindre et ne pas accepter de modifier nos comportements de consommateurs frénétiques et, bien souvent, abusés par la grande distribution.
Dans le département des Bouches du Rhône, un agriculteur dont l’activité principale est la viticulture a décidé pour diviser son risque d’entrepreneur de consacrer une partie de sa propriété à la production de viande, pour cela il élève une espèce bovine rustique peu coûteuse à l’entretien : la Highland.
Il gère ainsi au mieux sa production qu’il mène régulièrement à un abattoir local et qu’il vend en petite quantité à des clients contents de pouvoir consommer des produits locaux clairement identifiés et à des prix raisonnables de l’ordre de 16,50€ le kilo.
Une nouvelle méthode de production et de distribution est donc possible et la clientèle pour la consommer est là.
Christian MONFERRINI